Une histoire de l'Océanie

d’une politique ambitieuse dans le Pacifique), mainmise sur le royaume d’Hawaï en 1898 et surtout prise à l’Espagne à la même date de ses possessions remontant au XVIe siècle. Les États-Unis ont aussi pris pied au sud de l’équateur en partageant avec l’Allemagne le Samoa l’année suivante (1899) comme nous l’avons vu précédemment. Les États-Unis contrôlent en outre un immense espace maritime en occupant, entre Hawaï et les Philippines, de nombreuses îles inhabitées : Jarvis, Johnston, Midway, Palmyra, Wake… Aux périphéries de l’Océanie, le Japon prépare ses forces et le Chili (indépendant depuis 1818) s’affirme comme la principale puissance régionale sur la façade Pacifique de l’Amérique du Sud. Le Chili partage la Terre de Feu avec l’Argentine en 1881, annexe une bande côtière en 1883 aux dépens du Pérou et de la Bolivie et prend possession de l’Île de Pâques en 1888, jugeant caduque la prise de possession espagnole du XVIIIe siècle (tout en se considérant comme l’héritier des droits coloniaux de l’Espagne). L’île de Sala-y-Gómez, la terre la plus proche de l’Île de Pâques dont elle est éloignée vers l’est de 400 km, revient au Chili qui y installe quelques habitants ; auparavant, et bizarrement, elle n’avait jamais été atteinte par les Polynésiens. L’évolution du Japon dans la seconde moitié du XIXe siècle aura des répercussions importantes sur l’histoire de l’Océanie au XXe siècle. Forcé de s’ouvrir aux intérêts occidentaux par les États-Unis en 1853, le pouvoir japonais comprend rapidement la nécessité vitale de s’approprier la culture politique et technologique occidentale pour continuer à exister en tant que nation souveraine. Tirant parti de sa population et de son territoire importants, le Japon se lance dans une politique de conquête : prise de contrôle de Taïwan et des îles Ryu Kyu après une guerre contre la Chine en 1894-1895 ; prise de contrôle de la Corée, du Sud de Sakhaline et des Kouriles après une guerre en 1904-1905 contre la Russie. En 1911, le Japon annule les traités inégaux passés auparavant avec les États-Unis et le Royaume-Uni. Dès lors, le Japon regarde plus au sud, vers la Micronésie. Déjà les îles Marcus, Volcano et Bonin, inhabitées au XIXe siècle mais peutêtre visitées antérieurement par des Micronésiens, ont été revendiquées par le Japon en 1880, peuplées par des Japonais en 1887 et annexées en 1891 sous les noms globaux d’îles Ogasawara (Volcano et Bonin) et îles Minama-Tori (Marcus). Géographiquement et schématiquement, on peut ainsi distinguer un Pacifique Sud britannique troué de possessions françaises formant un axe est-ouest, un Pacifique Nord-Ouest allemand et un Pacifique NordEst américain. Ces positions seront amenées à changer après la Première Guerre mondiale puis encore une fois après la Seconde Guerre mondiale. La colonisation de l’Océanie a pu être moins violente que dans d’autres régions du monde. Cette affir- mation reste à nuancer ; surtout, il est absolument nécessaire de distinguer les périodes et les espaces. Le processus de colonisation a commencé en Micronésie : les Espagnols ont conquis Guam et les Mariannes au XVIe siècle, les Marshall et les Carolines au XVIIe siècle, Belau (= Palaos, Palau) au XVIIIe siècle. Les Chamorros et autres peuples se sont courageusement défendus. Les conquêtes ont été longues car les troupes espagnoles n’étaient pas nombreuses et les armes à feu peu perfectionnées de l’époque ne leur donnaient pas un avantage décisif. Mais la colonisation de ces archipels fut extrêmement brutale, aboutissant par exemple à la quasi-disparition des habitants des Mariannes. En Australie et en Tasmanie, dès le début du XIXe siècle, les Aborigènes, traités comme des animaux, ont subi un génocide. La colonisation de la Polynésie et de la Mélanésie, dans la seconde moitié du XIXe siècle, a certes été moins violente mais il est indispensable de replacer les événements dans leur contexte. Au XIXe siècle, les populations d’Océanie au sud de l’équateur sont décimées par les épidémies. De plus, les Occidentaux investissent le Pacifique avec des bateaux à vapeur et des armes à feu efficaces. Dès lors, les capacités de résistance sont fortement réduites. En Nouvelle-Zélande, les Maoris ont cédé devant le nombre croissant de colons et de soldats au terme des deux Guerres maories au milieu du XIXe siècle. De même, les insulaires des Marquises et des Îles Sous-leVent n’ont plus été assez nombreux pour continuer le combat à la fin du XIXe siècle. Il y a cependant eu 57

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