theatre-et-sciences

149 Tous : (haussent les épaules et avec un mouvement de sourcils.) L’Anglais : (avec son accent anglais) T’es qui toi ? SCÈNE 3 : L’INTRUS Le Kaina : Moi c’est… Moi c’est… Comment « rā », il faut dire17… (ne sachant pas par où commencer, il évoque par un jeu de ses deux mains la combinaison, la mixité, le mélange.) Le Maître de cérémonie : (perdant patience, il désigne l’Anglais) Et notre dernier concurrent ! 3, 2, 1… Le Kaina : Kaina, c’est moi ! Kaina ! (il s’interpose en sautant avec souplesse pour se placer entre le Maître de cérémonie et l’Anglais et se lance dans sa tirade avec rapidité) français local ou le français tahitien ou le français parlé ou le franco-tahitien ; ou encore le « mélange » ou le « charabia » ou le kaina, le pidgin de Tahiti, c’est comme ça « paha ia » qu’il m’appelle ! Je suis français et tahitien, les deux en même temps « hoa ia », j’ai pas de problème de genre, moi !… Parce que je suis mixte, déjà « ïa ». Je tiens de deux… voire plus même18 ! Pour faire très court : votez pour moi. (il reprend son souffle. Profitant de son effet de surprise, il poursuit d’un ton charmeur l’adresse du public.) Bah oui… Quand tu veux aller draguer à la récré, ou par en ville ou par la plage, ou quand c’est la bringue, il faut tu prends à moi. Regarde, par exemple : on a une belle vahine qui passe19… (regardant les vahine de la salle.) Quand « pei » tu dis à elle dans un tahitien joli et romantique, ou pire ! dans un tahitien genre « orero » : Ta’u here, Ta’u here iti, Te aroha rahi roa a’e, Ta’u marū, Aita roa e taata aroha ’ē atu i tei reira20… (il est interrompu.) Le Tahitien : (enchanté par ce style oratoire, reconnaissant cet hommage ce qu’il représente, le Tahitien entreprend en effet un haka énergique en bombant sa poitrine.) (tous applaudissent, et plus encore que les autres la langue française qui lui tourne autour en marquant son admiration.) Le Kaina : (pour remettre les choses au clair, Kaina réplique fermement l’adresse du Tahitien) Si tu lui dis comme ça, elle va même pas te regarder (regard surpris de Tahitien) ou sinon elle va croire que tu te moques, ou bien elle aura honte tafey21 ! Si « rā », tu fais ton Molière22 ( l’adresse du Français) : « Et je n’ai pu vous voir, parfaite créature, Sans admirer en vous l’auteur de la nature23… » Alors là… c’est pas « ia » la peine, tu parles que pour toi24. Le Français : Je t’arrête tout de suite… 17 <trad. ((kai)) Je suis … je suis… comment dire…> 18 <trad. ((kai)) On m’appelle le Français local ou Le Français tahitien ou le Français parlé ou le Franco-tahitien ; ou encore le « mélange » ou le « charabia » ou le Kaina, le Pidgin de Tahiti. Je suis français et tahitien à la fois donc, j’ai pas de problème de genre… car je suis déjà mixte. Je tiens de deux … et plus encore !> 19 <trad. ((kai)) Bah oui…. Si tu veux draguer dans la cour de récré, en ville ou à la plage, ou bien si tu es dans une bringue, c’est moi que tu dois utiliser. Juste un exemple : imagine qu’une belle vahine passe…> 20 <trad. ((kai)) Si tu lui dis dans un tahitien soigné et romantique, ou pire ! dans un tahitien éloquent : Mon amour, Mon petit amour, Le plus grand amour, Ma chérie, Personne n’a de plus grand amour que celui-ci> 21 <trad. ((kai)) Si tu lui dis comme ça, alors elle ne te regardera même pas car ou bien elle va croire que tu te moques d’elle, ou bien elle sera « gênée grave !> 22 <trad. ((kai)) Si tu fais ton Molière> 23 Molière (1962). Tartuffe, Scène 3, Acte III, La déclaration de Tartuffe à Elmire, Éditions du Seuil 24 <trad. ((kai)) Alors là… ce n’est même pas la peine, tu parles tout seul>

RkJQdWJsaXNoZXIy NzgwOTcw