langage-temps-espace-cycle1

38 en arrière. Au sens propre, l’apparition/disparition de Petit Loup aura été un évènement «historique», historique parce qu’il est constitutif de l’histoire de Grand Loup. La structure du récit est classique même si le début «depuis toujours» n’est pas l’inévitable «il était une fois» et la fin n’est pas «ils furent heureux». Ce récit semble s’inscrire dans une certaine forme d’intemporalité. Notamment, il n’y a pas d’usage du futur : «Toujours à présent, il y aurait le petit». Étrange usage d’un conditionnel qui énonce une certitude, une évidence, celle de quelque chose qui ne change pas, parce que cela a été conquis de haute lutte pour faire échec au temps. Les images devraient être, elles aussi, faire l’objet d’une exploitation pédagogique, notamment la symbolique des arbres. Dès la première image, le tronc de l’arbre auquel est constamment associé Grand Loup, contraste avec les deux petits arbustes qui «définissent » Petit Loup : deux frêles silhouettes à l’horizon. La deuxième image révèle un tronc avec ses embranchements tandis que la troisième nous fait découvrir un véritable arbre-chandelier (combien de bougies Grand Loup a-t-il déjà soufflées) À la quatrième image, une vue plongeante, le grand arbre se fait presque écrasant : Grand Loup pense peut-être à toutes «ses» années. Le contraste de tous les arbres de la forêt du côté de Grand Loup et des deux petits arbres du côté de Petit Loup est lui aussi frappant. L’arbre de Grand Loup est ainsi révélé au fil des images (cinquième, sixième images) : fort, touffu, portant des fruits magnifiques. Tout indique la maturité. La septième image aligne à l’horizon tous les arbres de la forêt (années qui séparent Grand Loup de Petit Loup ?) mais, aussi, une branche tutélaire de l’arbre de Grand Loup protège Petit Loup. C’est la huitième image qui nous dévoile toute la splendeur de l’arbre de Grand Loup : branches ascendantes, tronc puissant, feuillage dense, fruits colorés (les fruits édéniques de la connaissance) : nul doute, c’est être grand, Grand Loup «plante» là Petit Loup pour aller se promener. Mais en laissant Petit Loup sous «son» arbre, il ignore que Petit Loup s’imprègne du modèle, se met dans la tête d’être grand aussi, et de chercher «son» arbre. S’il disparaît alors c’est moins parce qu’il est vexé ou parce qu’il refuse d’accompagner Grand Loup dans les bois que parce qu’il a maintenant un rêve : être grand lui aussi. C’est Grand Loup qui lui a montré tout ce que cela signifiait ! Ainsi donc le dévoilement progressif de l’arbre de Grand Loup est en fait l’idée que se construit peu à peu Petit Loup de ce que c’est qu’être grand. D’ailleurs toutes les images qui suivent (neuvième, dixième) montrent que Grand Loup privé de son arbre et se hâtant de le retrouver. Quand il le retrouve enfin à la onzième, c’est pour voir des feuilles mortes remplacer les coquelicots du début. Cet arbre qui prend des couleurs d’automne (douzième image) puis de l’hiver (treizième image). Non seulement l’arbre est nu mais les flocons de neige innombrables disent les jours qui passent. C’est quand il aperçoit enfin Petit Loup à l’horizon que l’arbre de Grand Loup prend cette couleur chaude, celle d’une aurore (quatorzième image). La quinzième image et la seizième sont totalement dissociées. D’un côté Grand Loup «domine» Petit Loup par la taille. De l’autre, Petit Loup apparaît immense occupant toute la page. Il existe, il n’est plus dans l’ombre de Grand Loup. Il a fait des expériences (là-bas) qui l’ont grandi lui aussi. Ce sont les seules images où il n’y a pas d’arbres mais des fleurs, et un avion dans le ciel au-dessus des deux loups ! (départ ? voyage ? survol du temps ?). La dernière image est bien celle d’un début, à l’ombre du grand tronc enfin ! C’est une histoire qui conti-

RkJQdWJsaXNoZXIy NzgwOTcw