langage-temps-espace-cycle1

LANGAGE, TEMPS ET ESPACE AU CYCLE 1 OLIVIER ESNAULT

LANGAGE, TEMPS ET ESPACE AU CYCLE 1 TEMPS ET ESPACE, DEUX DOMAINES PRIVILÉGIÉS POUR PASSER DU LANGAGE À LA LANGUE AU CYCLE 1 STRUCTURATION DU TEMPS ET DE L’ESPACE AU CYCLE 1 Direction générale de l’éducation et des enseignements Ministère de l’éducation Polynésie française ©MEA-DGEE 2023 www.education.pf

2 AUTEURS Olivier ESNAULT a assuré la continuité de ce travail. Celui-ci n’aurait pas pu être réalisé sans Thérèse TAWIL qui a veillé à sa rigueur conceptuelle et linguistique. Ce travail a aussi bénéficié de la participation de Monique DOYEN qui a apporté son expérience des écoles primaires. Langage, temps et espace au cycle 1 est ainsi une partition à six mains. Enfin, Catherine DUMAS, Linda RAOULT et Christian LOMBARDINI ont soumis ce texte à leur lecture critique.

3 SOMMAIRE INTRODUCTION GÉNÉRALE PREMIÈRE PARTIE - ESPACE ET LANGAGE : LA STRUCTURATION DE L’ESPACE AU CYCLE 1 Introduction A - Explicitation de la notion B - Activités de structuration de l’espace 1) De quelques activités possibles 2) Une activité emblématique : le puzzle 3) L’échiquier Conclusion Tableau langage SECONDE PARTIE - TEMPS ET LANGAGE : LA STRUCTURATION DU TEMPS AU CYCLE 1 Introduction I. ÉLÉMENTS THÉORIQUES A - Explicitation de la notion 1) Temps et langage 2) Temps personnel et temps social 3) Temps court et temps long 4) Pour une conceptualisation du temps B - Domaines de structuration du temps 1) La chronologie 2) La durée 3) La simultanéité C - Une activité emblématique : l’agenda Conclusion Tableau lexical 1 Tableau lexical 2 Tableau lexical 3 II. ÉLÉMENTS PRATIQUES A - L’agenda enfantin : mode d’emploi Page 5 Page 7 Page 9 Page 9 Page 11 Page 11 Page 13 Page 14 Page 15 Page 17 Page 19 Page 21 Page 21 Page 21 Page 21 Page 21 Page 22 Page 22 Page 24 Page 24 Page 25 Page 25 Page 26 Page 27 Page 28 Page 29 Page 30 Page 31 Page 31

4 B - Étude «temporelle» d’un album Introduction La poétique de Grand loup et Petit Loup Étude 1 Étude 2 Étude 3 Conclusion Tableau notionnel BIBLIOGRAPHIE CONCLUSION GÉNÉRALE ANNEXES Document annexe 1 : Le puzzle spatial Document annexe 2 : Le plan de la table Document annexe 3 : Le schéma temporel Document annexe 4 : Le calendrier polynésien Page 34 Page 34 Page 34 Page 34 Page 36 Page 37 Page 40 Page 41 Page 43 Page 45 Page 47 Page 50 Page 52 Page 54 Page 56

5 INTRODUCTION GÉNÉRALE Il existe un débat portant sur le fait de déterminer si les enfants polynésiens ont une conception de l’espace et du temps différente des enfants européens. Il est vrai que chaque langue imprime une vision du monde mais il est aussi certain que les humains sont partout identiques. Il est possible de rapprocher ces positions en apparence contradictoires si l’on précise en quoi l’espèce humaine est unique et ce que l’on entend par l’expression « vision du monde » : les catégories logiques sont les mêmes pour toutes les populations mais c’est la façon de ressentir le monde et de l’exprimer symboliquement, notamment par la parole, qui est différente. C’est pourquoi, l’idée centrale de cette réflexion est que les jeunes enfants forment les notions universelles de l’espace et du temps par le langage (compris en tant que fonction d’expression de la pensée et de communication entre les hommes). Il semble donc nécessaire que les enfants effectuent cet apprentissage dès l’école maternelle à la fois en langue française et en langue polynésienne (la langue étant définie comme un système d’expression et de communication commun à un groupe social mais aussi comme l’utilisation, l’appropriation, l’intério- risation du langage par une personne singulière). Ce travail invite à une réflexion théorique mais propose aussi des pratioques concrètes. Il est entendu que la maternelle reste un espace et un temps d’initiation où on laisse l’enfant grandir pas à pas. Les activités, autant ludiques que logiques, restent étroitement liées aux progrès de la motricité et des capacités cognitives des élèves.

7 ESPACE ET LANGAGE La structuration de l’espace au cycle 1 1RE PARTIE

9 1. ESPACE ET LANGAGE LA STRUCTURATION DE L’ESPACE AU CYCLE I INTRODUCTION Sont présentés dans cette première partie (A) des éléments de réflexion théorique qui fondent les applications pratiques constituant la seconde partie (B) de ce document. A - EXPLICITATION DE LA NOTION Les programmes successifs de l’école maternelle insistent, d’une part, sur la nécessité pour l’enfant d’organiser l’espace qui l’entoure, mais, d’autre part, sur la possibilité donnée à l’élève d’échapper à l’usage exclusif de son propre point de vue. C’est donc un double objectif d’appropriation de son propre corps et de sa spatialité, et de décentration par rapport à soi que doivent se fixer les enseignants du cycle 1. Ainsi, l’amorce de la «mise en mots» des relations spatiales dépend étroitement d’une première organisation de la spatialité vécue. Tout doit donc commencer par la construction de l’image orientée de son propre corps, image qui permet à l’enfant d’appréhender son corps comme «étant lui-même» : on désigne souvent cette image sous le nom de «schéma corporel» ou «postural», car il s’agit d’une représentation du corps propre (donc de son corps à soi). On parle de proprioceptivité pour désigner ce type d’expérience de son propre corps, de sa position dans l’espace et de ses possibilités dynamiques de déplacement. L’intérêt de ce schéma corporel est qu’il est intégratif : il permet de déployer une spatialité où des objets extérieurs vont s’inscrire (par exemple : faire du vélo revient à traiter le vélo comme une partie de son corps, à ne faire qu’un avec lui). On comprend mieux, dès lors, qu’il faille s’approprier son corps pour, à terme, dans un processus de décentration progressive, le considérer comme un objet du monde et dans le monde, parmi d’autres objets, et pour construire un espace lui-même objet représenté. Ce sont des situations de vie et de classe qui permettent d’acquérir une conscience du postural. Les verbes posturaux sont, pour la plupart, en français, des verbes pronominaux réfléchis : se lever, s’asseoir, se coucher (ce qui marque déjà très bien qu’il s’agit d’un sujet s’appréhendant comme tel mais pouvant également se traiter comme un objet : «je me tiens droit»). Il ne faut pas les confondre avec les verbes moteurs (courir, lancer, sauter). Les marques spatiales prennent alors tout leur sens : assis sur, couché dans, caché sous. Le corps-sujet est toujours «ancré» dans un monde d’objets. Il le vit et se vit en relation avec lui. On aura soin aussi de ne pas négliger les verbes de contact : se tenir à, s’accrocher à, se suspendre à. En effet, il apparaît que, plus tard, certains liens de causalité ne sont pas établis parce que les relations spatiales sont déficientes et ne font pas l’objet d’une représentation claire. Ainsi on distinguera ce qui implique forcément le contact : «sur», de ce qui ne l’implique pas forcément : «au-dessus» (le cahier

10 d’appel est sur l’étagère, il repose sur elle ; l’affiche est au-dessus de l’étagère, elle est sur le mur mais pas en contact avec l’étagère. Je suis assis sur la barrière ; je saute par-dessus la barrière). D’une manière générale, on ne réduira pas le travail de structuration de l’espace à la simple répétition de prépositions ou adverbes. On aura le souci de conceptualiser, c’est-à-dire de faire en sorte qu’il y ait, déjà, à la maternelle des objets de pensée de nature spatiale : par exemple, lorsqu’un élève déclare d’un objet qu’il «prend de la place», ou qu’il parle d’un objet qui n’est pas «à sa place», ou encore dit : «ça monte jusque-là» pour désigner le niveau d’un liquide dans un récipient, on pourra considérer qu’on n’est plus dans la simple dénomination d’objets du monde extérieur, mais bien dans l’acte de signifier des objets de pensée (ce travail de conceptualisation répond à l’objectif de l’école maternelle «d’amener progressivement l’enfant à considérer l’espace et le temps comme des dimensions relativement indépendantes des activités en cours, et à commencer à les traiter commes telles.») En outre, on s’efforcera de travailler les aspects prédicatifs du langage. Un prédicat, c’est ce qu’on dit de quelque chose ou de quelqu’un, soit ce qu’il ou elle fait («ça roule»), soit ce qu’il ou elle est («c’est rond»). On comprend que les verbes et les adjectifs ont leur place dans la structuration de l’espace. Le corpus de mots qui est joint à ce document n’est donc en aucun cas une liste de termes à faire apprendre aux élèves. Certains termes feront partie de leur vocabulaire actif (ils se les appro- prieront et les utiliseront). D’autres resteront dans leur vocabulaire passif (ils les comprendront mais ne les emploieront pas, sauf s’ils leur plaisent). Dans tous les cas, l’enseignant les utilisera en contexte, autrement dit, il les fera vivre à ses élèves dans leurs actions, leurs expériences, leurs découvertes. Mais aussi dans les récits et à travers les histoires lues, où les péripéties des personnages, leurs aventures sont toujours étroitement liées à leurs déplacements («Elle s’installa enfin sur celle de bébé-Ours. Elle était juste comme il faut, confortable et bien rembourrée. Et Boucles d’or s’amusa à sauter et à rebondir tant et si bien qu’elle défonça la chaise et tomba par terre.» Extrait de Boucles d’or et les trois ours dans les Contes de GRIMM). La démarche à suivre dans la plupart des activités de structuration de l’espace c’est de procéder schématiquement «de l’action au papier», c’est-à-dire de l’action vécue «en trois dimensions» à sa représentation, la transposition dans un espace symbolique codé (la page) étant largement sous- tendue par la verbalisation et devant servir à de nouvelles actions. Rappelons ce qui a été dit au début. Tout doit «prendre corps», l’élève doit pleinement réaliser «ce que ça fait de…», faute de quoi tout risque de demeurer formel et de rester lettre morte. Toutefois, il n’est pas impossible de «partir du papier pour aller à l’action». Ainsi, on peut très bien imaginer que les élèves retrouvent certains objets de la classe grâce à des photographies qui donnent des indices spatiaux. On peut imaginer aussi que l’on installe le parcours d’E.P.S d’après un document codé, ou que l’on range le placard du matériel d’E.P.S d’après un document assez descriptif mais en deux dimensions. Malgré tout, chaque réalisation de représentation spatiale symbolique et codée restera un instrument d’action, pour agir soi-même ou pour faire agir autrui, et ne deviendra pas un objet de contemplation pure ! Le mot d’ordre, c’est de faire vivre pour faire comprendre, et de faire comprendre pour faire agir et produire. Pour terminer, nous aimerions attirer l’attention des enseignants sur le fait que la «transversalité» du concept d’espace (présent en E.P.S, dans les arts visuels, en technologie, en sciences naturelles, etc.)

11 ne doit pas servir de prétexte pour ne pas travailler l’espace de façon spécifique. Pensant qu’il est «partout», nous pourrions faire qu’il ne soit finalement «nulle part» ! Toutefois, il serait intéressant de pratiquer des enchaînements où, par exemple, le problème posé par le rangement du placard en EPS est abordé, «dans la foulée» en quelque sorte, du point de vue mathématique. Cela fait sens pour les élèves et est susceptible de développer réflexion et langage d’évocation. On ne doit donc pas renoncer à l’interaction positive entre les domaines disciplinaires différents, mais on ne doit pas non plus «noyer le poisson espace» dans une vague interdisciplinarité. Il ne faut pas oublier que le profit essentiel que l’élève de cycle 1 peut retirer de ces pratiques est qu’elles donnent accès à une logique des relations, alors qu’il est encore, à bien des égards, prisonnier d’une logique des choses, aussi bien pour les nombres que pour les mots qu’il confond avec les objets nommés. Tout ce qui «dit» l’espace est de pure relation et ne se limite jamais à être chose : autrement dit, le travail sur l’espace initie l’enfant à un univers mental où les relations entre les choses sont plus importantes que les choses elles-mêmes. Les enseignants de maternelle doivent avoir à l’esprit l’impact et l’enjeu de ce travail. Le futur lecteur, comme le mathématicien en herbe, devra un jour, pour comprendre un texte, ou pour traiter de façon pertinente les données d’un problème, puiser dans leurs capacités à structurer, à organiser, à situer les uns par rapport aux autres les éléments-clefs de compréhension et de résolution : autant d’opérations mentales qui doivent beaucoup à l’espace. Ne dit-on pas souvent à un élève : «est-ce que tu ne peux pas rapprocher ceci de cela ?». Et puis est-ce que le mot «comprendre» (prendre ensemble) n’est pas, dans son essence même, un verbe spatial, un geste de l’esprit qui embrasse ce qui était épars, dispersé, séparé ? B - ACTIVITÉS DE STRUCTURATION DE L’ESPACE Il est impossible de couvrir la diversité des activités relatives à la structuration de l’espace tant elles sont nombreuses. 1) De quelques activités possibles On sait qu’il faut travailler la topologie, les notions d’ouvert/fermé, d’intérieur/extérieur et de frontière ; les trajets et itinéraires, les puzzles, etc. mais aussi la latéralisation qui est un enjeu majeur (notons que, selon les recherches actuelles, la latéralité s’installe solidement entre 5 et 7 ans...). Les enseignants de maternelle doivent penser à utiliser les coins et même à les aménager en fonction d’un objectif spatial : le coin «garage» avec son circuit équipé de ponts, de routes, de pentes, est un jeu privilégié. Le coin «poupées» peut également permettre des découvertes intéressantes, la poupée étant une projection du corps de l’enfant sur laquelle il peut s’exercer (postures de la poupée, problèmes d’habillement, rangement des accessoires, etc.). Le coin «cuisine» est également riche en potentialités diverses (rangement, disposition des couverts, etc.). Il ne faut pas oublier un coin «déguisement» qui amène à des situations-problèmes porteuses d’apprentissages : enfiler un vêtement ne pose pas que des problèmes moteurs : envers-endroit, devant-derrière, gauche-droite… Ima- ginons la surprise de l’élève qui retourne un T-shirt et qui retrouve la manche gauche à droite et la droite à gauche. Pourquoi, alors ne pas créer un matériel adéquat avec des manches (et des jambes) de différentes couleurs ? Songer aussi à utiliser les baskets et savates pour des expériences de noncongruence (le pied droit est non superposable au pied gauche). Un coffre a donc bien sa place dans la classe.

12 Une dimension non négligeable des apprentissages spatiaux serait de «faire vivre des récits» en les travaillant du point de vue de l’espace. On peut choisir de mimer des scènes en adoptant déjà une symbolique des lieux (cerceau pour le palais ou la maison par exemple). On peut aller jusqu’à une dramatisation où les élèves eux-mêmes jouent, à condition que celle-ci ne se réduise pas à un échange des répliques des personnages mais intègre leurs déplacements, les positions adoptées par ceux-ci (à genoux, sur un pied, traversant un chemin, se frayant un passage à travers la foule, etc.). On peut imaginer qu’une partie de l’histoire, particulièrement riche du point de vue spatial, fasse l’objet de dessins ou de représentations plus schématisées entre lesquels les élèves auraient à choisir (Le lutin est-il derrière l’arbre ou devant ? Le loup est-il entre la maison et l’arbre ou entre l’arbre et le puits ?). Les déplacements : les grands classiques de la chasse au trésor, des jeux de pistes sont à revisiter avec toutes sortes de variantes, de même que l’éternel «cache-cache», à condition de le pratiquer dans un lieu sûr et à y intégrer des objectifs spécifiques comme le fait de savoir s’orienter en fonction de la voix de la personne recherchée. Les itinéraires et trajets sont d’autant plus intéressants qu’ils offrent la possibilité d’utiliser un codage diversifié mais aussi de nombreuses potentialités de communication (décrire un parcours à quelqu’un, lui indiquer le chemin). Parmi les codages possibles, on peut alterner codage visuel et codage sonore (un enregistrement magnéto indique qu’on doit se rendre à … et là, le téléphone sonne, c’est donc au bureau ; ou bien on entend des bruits d’assiettes et de couverts, c’est la cantine…). Les labyrinthes, très amusants pour les enfants, obligent à s’orienter, à prendre des repères, à tirer parti des essais non-fructueux. Mais, vu leur complexité (il est nécessaire qu’ils ne soient pas «tracés» mais présentent des obstacles «en vrai», donc des cloisons à hauteur de la taille ou de l’épaule pour empêcher le passage, mais permettre aussi de voir afin de ne pas engendrer l’angoisse et la claustrophobie !). Il est conseillé d’en faire un projet de palier qui en permettra la réalisation et l’utilisation par plusieurs classes, à partir de cartons d’emballages, de cubes de sport, etc. Les supports utilisés pour la représentation spatiale seront variés, horizontaux mais aussi verticaux (puisque le passage de l’horizontal au vertical et vice-versa pose toujours problème). Il faut songer à mettre à profit les consignes de la classe : pourquoi ne pas afficher le travail des ateliers sur un support codé spatialement, chaque groupe se voyant indiquer son lieu de travail par la photo d’un endroit de la classe ou même par un document plus symbolique exigeant un repérage plus fin dans l’espace classe et faisant même intervenir de l’écrit en grande section. Les photographies demeurent un support privilégié dans la mesure où l’on peut faire varier les angles de prise de vue qui sont un excellent moyen d’introduire une décentration : l’effort que l’on fait pour reconnaître un objet pris en photo sous un angle inhabituel oblige à se détacher du point de vue courant qui est le nôtre. Pourquoi ne pas utiliser les photos des enfants d’ailleurs avec l’accord et la participation des parents (untel vu de profil ou de trois-quarts est-il reconnaissable ?) ? Pourquoi ne pas avoir un appareil photo «de classe» qui permette aux élèves d’avoir un petit «atlas» visuel de la classe qui serait utilisé dans plusieurs activités ? Les quadrillages constituent une activité extrêmement riche : utiliser un quadrillage pour reproduire un tableau (grâce aux repères donnés par le quadrillage). Les quadrillages peuvent, au départ, être réalisés par des fils tendus qui matérialisent mieux les cases. Coder un déplacement sur un quadrillage, décoder un déplacement sur un quadrillage peuvent se pratiquer sous forme de jeux. La notion d’espace se travaille aussi bien à l’échelle du bâtiment de l’école qu’à celle de la feuille de

13 papier. Se repérer dans l’école est une activité incontpurnable : on peut imaginer, d’abord, une signa- létique associant des lignes colorées à des signaux iconiques, et élaborer, ensuite, un plan géant, orienté justement à même le sol, où les éléments constitutifs de l’école sont mathématiquement dimensionnés et représentés de façon suggestive. Mais, orienter et utiliser correctement une feuille de papier requièrent les mêmes capacités que se deplacer dans un vaste espace. Ainsi l’enseignant proposera, pour les plus petites sections, des activités reposant sur le pliage et marquage mais obéissant à des consignes verbales -spatiales- rigoureuses. 2) Une activité emblématique : le puzzle Le puzzle représente une activité particulièrement intéressante du point de vue spatial. L’enfant y découvre bien des réalités d’ordre spatial et y résout effectivement des problèmes de latéralité (l’élève qui a trouvé la place de la chaussure gauche du clown en la plaçant… à droite mais à l’envers donc sans la couleur…). Si l’on introduit le puzzle comme une activité d’apprentissage, il convient de travailler le concept, en ayant un puzzle entièrement reconstitué sur une table et en soulevant des pièces au hasard pour découvrir que «c’est la même chose qu’il y a dessous». Ainsi se forge une représentation adéquate de ce qu’est un puzzle et de ce qu’il faut faire pour le reconstituer. • La section des tout-petits utilisera plutôt des encastrements plus en rapport avec les possibilités de cet âge. Toutefois, les encastrements exigent déjà que l’enfant oriente correctement sa pièce, même si c’est par tâtonnement, pour la faire entrer ! Des puzzles de 4 à 6 pièces, avec images, sont envisageables avec une base cadrée (pour favoriser, si possible, une prise de conscience des coins). Une idée qui paraît valable serait de plastifier un dessin de l’élève, de le découper en évitant les trop petites pièces, en adoptant des contours assez réguliers, mais aussi en permettant un assemblage stable par l’utilisation de patafix (l’enfant peut déplacer ses pièces comme il peut consolider son assemblage). L’enseignant peut fabriquer ses propres puzzles en plus de ce que l’on trouve dans le commerce. On peut plastifier le papier, le carton, mais aussi le tissu et créer ainsi des puzzles personnalisés ou correspondant à des objectifs précis d’orientation (haut-bas, par exemple). • En section des petits, on augmentera le nombre de pièces (8 à 10 pièces éventuellement) et les difficultés. Par exemple, dans le puzzle d’une belle voiture, les deux roues ne sont pas équivalentes : si la photographie de la voiture est prise de l’avant, la roue arrière est plus petite que celle de devant. Autre difficulté, des découpes plus irrégulières, des encoches mêmes, des languettes à droite et des languettes à gauche. La modalité de travail pourra être novatrice : le puzzle est trop souvent solitaire alors qu’il peut être collectif ! On peut imaginer que l’enseignant ait partiellement assemblé un puzzle et qu’il ne reste plus que quelques pièces à mettre. Le groupe d’enfants peut discuter, «où va-t-on placer ces pièces qui restent ?» En petite section, on peut commencer à supprimer le cadre également. • En section des moyens, le puzzle peut atteindre 10 à 12 pièces, voire plus. Pour donner aux enfants le goût des puzzles, il faut leur laisser du temps ! Il ne faut pas que cela soit une activité expédiée en bouche-trou (!). Et il faut leur donner du choix (on sera donc attentif au «contenu» du puzzle : tableaux de maîtres, motifs géométriques, paysages, etc.). Le travail collectif de la SP peut se poursuivre : on pourra demander aux élèves d’anticiper la place d’une pièce mais de ne pas la placer, de coder la pièce et son emplacement d’abord pour pouvoir ensuite corriger, rectifier sa proposition première, ce qui fait du puzzle une activité auto-réflexive et un facteur de contrôle de soi. On s’efforcera d’introduire des puzzles avec des personnages (mains, bras, pieds, jambes ! …) mais aussi des puzzles avec une symétrie

14 telle qu’on trouve la même chose mais, attention, orientée à gauche dans un cas, à droite dans l’autre. • En grande section, c’est une petite méthodologie du puzzle que l’on pourra essayer de produire, pour que la capacité à s’organiser devant un puzzle devienne un atout véritable chez l’élève, transférable à des types très variés de puzzles : repérage des pièces-clefs, catégorisation des pièces, amorce du puzzle par les bords, autant de stratégies applicables aux puzzles en général. Il s’agit là d’une véritable logique du puzzle. On pourra même proposer des puzzles sans base-modèle. Une suggestion originale serait d’avoir des puzzles identiques mais de dimensions et de morceaux différents (tailles, couleurs, formes). Pourquoi même ne pas réaliser des puzzles en noir et blanc, afin que les couleurs ne soient plus l’élément clef du choix des pièces ? Ceci se fera au profit des orientations dans l’espace image. L’introduction de puzzles avec des écritures peut être envisagée avec des couvertures d’albums plastifiées, des affiches, des journaux. Les grands peuvent aussi se mettre à fabriquer des puzzles pour les petits ou les moyens : c’est un puzzle «à l’envers» : une image, une photographie que l’on va découper pour qu’un autre la reconstitue, réfléchir sur le fait qu’il faut deux images, une qui sert de support, l’autre qu’on met en pièces. Comment peut-on mélanger deux puzzles très ressemblants et être amené à en dissocier les pièces pour les réaliser séparément ? Comment peut-on fabriquer la ou les pièces manquantes d’un puzzle afin qu’elle(s) d’insère(nt) parfaitement ? Autant de pistes de recherche et de réflexion possibles avec les grands. Le puzzle, comme son nom l’indique (il met dans l’embarras, il déconcerte, il pose problème, il exige patience) est une activité où l’élève pose constamment des problèmes d’emplacement, d’insertion, d’orientation, de latéralité dans un espace restreint qui est déjà de l’ordre de la représentation et où il est amené à réfléchir sur sa façon de s’y prendre, très favorable à l’exercice plus général de la méta- cognition. De plus, les échecs ou les réussites, solitaires ou partagés avec d’autres sont un terrain de langage, soit d’auto-langage («non, là, j’ai déjà essayé, ça ne va pas.»), soit de langage relationnel (celui qui veut à tout prix faire entrer une pièce alors qu’elle ne va pas, s’expose à bien des arguments contraires). Dans la même inspiration que le puzzle, certains «livres-objets» offrent de multiples possibilités de découvertes et d’expériences : déplier, déployer, replier, tirer des languettes, chercher à situer des mécanismes cachés, découvrir des décors à plans différents, du plus proche au plus lointain (premier plan, arrière plan), autant d’occasions pour l’élève de structurer et de construire ses premières représentations spatiales. 3) L’échiquier a. Objectif Il ne s’agit pas d’apprendre à jouer aux échecs ni de faire des parties d’échecs mais d’utiliser des pièces sur un échiquier. C’est une situation concrète d’activité de structuration de l’espace. L’enseignant doit seulement maîtriser les règles de déplacement, de prise et du mat. b. Compétences L’enfant apprend à se situer dans l’espace mais aussi à utiliser un espace spécifique, en l’occurrence un échiquier. L’échiquier initie l’enfant à un univers mental où les relations entre les choses sont aussi importantes que les choses elles-mêmes. c. Espace Un échiquier est organisé en rangées, colonnes et diagonales. L’apprentissage de symétrie et de la

15 latéralisation est aisé à mettre en œuvre sur l’échiquier. L’utilisation d’un échiquier géant au sol associée à celle de l’échiquier de l’enseignant au tableau fait passer l’enfant du plan horizontal au plan vertical. d. Temps Les activités sur l’échiquier intègrent la contrainte du temps. L’enfant doit compter les coups et opérer des déplacements ou des prises en un, deux ou trois coups. e. Matériel Il est utile de tracer un échiquier géant au sol (sur le carrelage du préau) pour faciliter le repérage dans l’espace. Les pièces peuvent être des plots identifiables ou les enfants eux- mêmes, coiffés de chapeaux distinctifs, noirs ou blancs. f. Imagerie Le jeu d’échecs est né en Inde. Le mot «échec» provient de la déformation du mot persan désignant le roi : Shâh. Ce jeu a été transmis à l’Occident par les Arabes au Moyen Âge. L’échiquier est un champ de bataille où se placent deux armées. Initialement en Inde, les tours étaient des tours montées sur des éléphants, ce qui explique leur mobilité. Les pièces de ce jeu illustrent la société médiévale : le roi et la reine, les fous = évêques/bouffons, les cavaliers = nobles/chevaliers, les tours = châteaux forts/ machines de guerre, les pions = soldats/paysans. Nous retrouvons la noblesse, le clergé et la paysannerie du Moyen Âge. Sur l’échiquier se déroule une bataille. Celle-ci se termine par la défaite d’un des deux rois. «Shâh mat» signifie en langue persane «Le roi est mort». g. Activités - Comprendre l’organisation de l’échiquier en rangées (8), en colonnes (8), en cases (64) dé- signées par des lettres et des chiffres. - Comprendre l’organisation de l’échiquier en diagonales noires et blanches. - Placer les pièces (32). La disposition des pièces relève d’une double symétrie. Le camp blanc est organisé comme le camp noir. De part et d’autre du roi et de la reine, les pièces sont disposées de la même façon. - Apprendre le déplacement des différentes pièces. Se servir d’un gabarit en forme de L pour le mouvement du cavalier. L’enfant se déplace sur l’échiquier -il fait le fou- ou déplace des pièces sur l’échiquier. - Apprendre la prise par les différentes pièces. Prendre des pièces adverses. - Apprendre le mat. Réaliser une situation de mat en 1, 2 ou 3 coups (situation-problème). h. Séquence L’activité peut faire l’objet d’une séquence de dix séances. i. Paliers Les aspects les plus simples de l’activité peuvent être mis en œuvre en section des moyens, les aspects plus complexes en section des grands. j. Règles Les règles du jeu d’échecs sont simples et accessibles aux enfants. La tactique et la stratégie sont en revanche difficiles et n’entrent donc pas dans les objectifs des maîtres. Les blancs commencent… CONCLUSION La construction mentale de l’espace propre, de l’espace proche et des espaces plus lointains sont les trois composantes du travail de structuration spatiale de l’enfant.

16 Les situations proposées doivent permettre à l’enfant de passer d’un espace égocentré et vécu subjectivement à un espace conceptualisé, objectivé et universel. Pour l’enfant, «lire» l’espace, c’est s’y repérer ; «écrire» l’espace, c’est le représenter ; «dire» l’espace, c’est utiliser les marques spatiales du langage ; «agir» dans l’espace, c’est s’y déplacer ; «mesurer» l’espace, c’est en apprécier les grandeurs. Les programmes de l’école maternelle demandent donc de «faire l’expérience de l’espace» (position, déplacement, distance, vitesse), de «représenter l’espace» (de l’action au papier, et du papier à l’action) et de «découvrir différents milieux» (une première approche du paysage, une ouverture curieuse à la diversité du monde...).

17 LANGAGE ET STRUCTURATION DE L’ESPACE 16 LANGAGE ET STRUCTURATION DE L’ESPACE LANGAGE RÉFÉRENTIEL Parler des objets (conception) LANGAGE PRÉDICATIF : DIRE QUELQUE CHOSE SUR DES OBJETS OU DES PERSONNES CE QU’ILS OU ELLES FONT CE QU’ILS OU ELLES SONT LANGAGE GRAMMATICAL Logique du discours Éléments de liaison SUBSTANTIFS VERBES POSTURAUX VERBES DE CONTACT VERBES DE DÉPLACEMENT VERBES D’ACTION SUR LES OBJETS ADJECTIFS/PARTICIPES PASSÉS PRÉPOSITIONS, ADVERBES, ETC. STP SOL – PLAFOND – MUR ENTRÉE – SORTIE HAUT – BAS COIN – CHEMIN - BOUT SE LEVER SE COUCHER S’ASSEOIR SE TENIR DROIT SE PENCHER SE TENIR À S’ACCROCHER À ACCOMPAGNER ENTRER – SORTIR MONTER – DESCENDRE ARRIVER – PARTIR SUIVRE – REVENIR S’EN ALLER EMPORTER – APPORTER OUVRIR – FERMER POSER – METTRE – TENIR COUVRIR AMENER - EMMENER ASSIS – COUCHÉ PENCHÉ HAUT – BAS COUVERT – DÉCOUVERT PERDU - TROUVÉ PAR TERRE – EN L’AIR CHEZ – PAR LÀ – DANS DEDANS – DEHORS EN HAUT – EN BAS DEBOUT – DROIT DEVANT – DERRIÈRE AU BOUT DE – SUR – SOUS SP DESSUS – DESSOUS CÔTÉ – PASSAGE VOISIN – VOISINE FILE – ENDROIT (lieu) SENS (dans quel sens on le met ?) PLACE SE REDRESSER S’ALLONGER S’ÉTENDRE SE BAISSER SE RELEVER S’ACCROUPIR S’AGENOUILLER S’AGRIPPER À S’APPUYER SUR SE SUSPENDRE À SE SERRER CONTRE SE COLLER À RECULER – AVANCER FAIRE LE TOUR DE ALLER DE … À S’ÉLOIGNER – SE RAPPROCHER SE PERDRE ÉTENDRE – ÉTALER ÉLOIGNER – RAPPROCHER ENTOURER – CONTENIR ENFERMER – RETIRER PLACER – DÉPLACER – REPLACER EMPILER – RETOURNER VIDER – REMPLIR EXPOSER ACCROUPI – ALLONGÉ AGENOUILLÉ – ÉTENDU OUVERT – FERMÉ VIDE – PLEIN DÉCOUVERT AU-DESSUS DE – AU-DESSOUS DE AUTOUR DE – TOUT DROIT ICI – LÀ – LÀ BAS - À CÔTÉ DE PRÈS DE - LOIN DE AUPRÈS DE - À CHEVAL SUR EN AVANT – EN ARRIÈRE VERS - À SA PLACE SM POSITION – LIEU – PLACE MILIEU – TOUR – FOND BORD – ESPACE (entre objets) CONTENU CONTOURS – PENTE ENVERS – ENDROIT GAUCHE – DROITE ALLER – RETOUR ALLÉES ET VENUES TRAJET SE RETOURNER S’ÉCARTER DE S’ENROULER DANS SE SITUER PAR RAPPORT À S’AVANCER S’ARRÊTER STATIONNER S’ADOSSER À S’ACCOUDER À ATTERRIR SUR SE COGNER À SE JETER SUR SE TOUCHER (pour 2 objets) SE RASSEMBLER – SE REJOINDRE SE SÉPARER – SE DISPERSER (pour des personnes) SE SERRER LES UNS CONTRE LES AUTRES REVENIR SUR SES PAS PARCOURIR – TRAVERSER FRANCHIR – LONGER RATTRAPER – DÉPASSER DIRIGER – PRÉCÉDER LONGER SE METTRE À LA PLACE DE AVOIR LA PLACE DE FAIRE DE LA PLACE POUR INTRODUIRE – ENFONCER (RE)HAUSSER – (RA)BAISSER MONTER – DÉMONTER REMONTER – EMBALLER ENVELOPPER – DÉBORDER RETOURNER (un vêtement, un objet) RENVERSER PLIER – DÉPLIER - REPLIER METTRE À LA PLACE DE TRANSVASER PROCHE – VOISIN LOINTAIN – ÉLOIGNÉ LARGE – ÉTROIT (passage) RAIDE – DOUCE (pente) SERRÉ – ESPACÉ DROIT – TORDU ARRIVANT DE – PARTANT DE HORIZONTAL – VERTICAL INTÉRIEUR – EXTÉRIEUR GAUCHE - DROITE AU FOND DE LE LONG DE AU BORD DE EN FACE DE ENTRE – CONTRE DE L’AUTRE CÔTÉ DE PRÈS – DE LOIN AU MILIEU DE DOS À DOS – FACE À FACE CÔTE À CÔTE À L’INTÉRIEUR - À L’EXTÉRIEUR À GAUCHE - À DROITE AVANT – APRÈS (repères) SG Cycle I ÉTENDUE – ESPACE DISTANCE – REPÈRE CADRE – UNITÉ PARCOURS – RANGÉE COURBE – TOURNANT ÉLOIGNEMENT SENS – DIRECTION DÉTOUR PIÈCE (de maison) SE RECROQUEVILLER TOURNER SUR SOI-MÊME SE DÉGAGER DE SE DÉBATTRE SE FAUFILER SE RENVERSER PIÉTINER S’EMPOIGNER SE HEURTER SE CROISER SE TAMPONNER SE DISPERSER ZIGZAGUER – TITUBER DISTANCER – DEVANCER ENJAMBER PARTIR POUR OCCUPER – PÉNÉTRER ENVAHIR REMPLACER PAR RÉPANDRE – JOINDRE S’EMPARER DE ESPACER – ALIGNER ENCERCLER – ENTASSER ACCUMULER – LIMITER DÉPLOYER – AJUSTER SUPERPOSER – EMBOÎTER ÉPARPILLER INTERNE – EXTERNE ISOLÉ - CLOS ACCESSIBLE – INACCESSIBLE VU DE JOINT (à) – COINCÉ ÉPARS - DISPERSÉ À L’ÉCART – VIS À VIS JUSQU’ À - À TRAVERS SENS DESSUS DESSOUS PAR-DESSUS – PAR-DESSOUS À L’OPPOSÉ DE AU CENTRE DE PAR RAPPORT À AU-DELÀ – EN DEÇÀ DE TRAVERS SG Cycle I I EXTRÉMITÉ – CENTRE ORIENTATION ISSUE – SEUIL NIVEAU – FRONTIÈRE BASE – SOMMET VIRAGE – POURTOUR CONTACT ENVIRONNEMENT INTERVALLE PIVOTER TOURNOYER ESQUIVER VACILLER SE HISSER S’ENTRECHOQUER S’INTERPOSER S’IMBRIQUER S’AFFRONTER S’ORIENTER DÉAMBUELR ARPENTER PROGRESSER CONTOURNER INTERCALER – DÉCALER SURÉLEVER SURVOLER CHEVAUCHER EMPIÉTER DÉVIER DÉTOURNER CLÔTURER EXTRAIRE SURÉLEVÉ – SPACIEUX FRÉQUENTÉ – DÉSERT ENTOURÉ DE TRAVERSÉ PAR SÉPARÉ PAR BORDÉ DE DIRECT – INDIRECT INFÉRIEUR - SUPÉRIEUR BOUT À BOUT DE FACE DE PROFIL DE DOS AU CONTACT DE AUX ENVIRONS AUX ALENTOURS PAR-CI – PAR-LÀ Ce tableau ne constitue pas, nous l'avons dit, une liste impérative de termes à faire apprendre aux élèves ; c'est un outil indicatif faisant miroiter la richesse du langage. L'enfant, pour s'approprier les mots du vocabulaire, doit les utiliser régulièrement et en saisir, le cas échéant, la polysémie.

19 TEMPS ET LANGAGE La structuration du temps au cycle 1 2E PARTIE

21 2. TEMPS ET LANGAGE LA STRUCTURATION DU TEMPS AU CYCLE I INTRODUCTION Sont présentés dans cette première partie (I) des éléments de réflexion théorique qui fondent les appli- cations pratiques constituant la seconde partie (II) de ce document. I. ÉLÉMENTS THÉORIQUES A - EXPLICITATION DE LA NOTION 1) Temps et langage La structuration du temps s’opère à deux niveaux de langage différents : D’une part, le niveau du langage courant, spontané. À ce niveau, la pratique du langage «en situation», enraciné dans le contexte d’un présent vécu et partagé avec son interlocuteur, comme la pratique du langage d’«énonciation», plus autonome, où l’enfant dit ce qu’il est en train de faire ou ce qu’il vient de faire, représentent une expérience du temps personnel centrée sur le locuteur lui-même. D’autre part, le niveau du langage plus conscient, réfléchi, volontaire. C’est celui du langage d’«évocation», beaucoup plus difficile à atteindre puisque ni les choses, ni les événements dont on parle, ne sont présents. D’ailleurs, l’enfant qui atteint ce niveau au cours de sa scolarité de maternelle a visiblement compris ce qu’était le langage : non pas seulement un moyen de signaler ses désirs immédiats ou de répondre aux demandes d’autrui, mais bien, déjà, un ensemble de signes qui remplacent les choses absentes et les événements passés ou futurs. L’acte de signifier (par opposition à celui de signaler toujours attaché à une situation présente) est un acte qui libère des frontières de l’espace et du temps. Surtout du temps, car si les choses absentes spatialement peuvent toujours être retrouvées là où elles sont, les événements passés, eux, ont disparu à jamais et ne pourront exister à nouveau que dans le «dire». Le langage est donc beaucoup plus qu’un simple dispositif de désignation. Sa finalité profonde est de «vaincre le temps», précisément, et de conférer aux choses et aux événements la permanence qu’ils ne peuvent avoir. 2) Temps personnel et temps social Les programmes de l’école maternelle soulignent, à propos du temps, la nécessité absolue d’arti- culer le temps personnel de l’enfant et le temps social. L’appréciation subjective des durées (une heure peut être vécue comme longue ou courte suivant que l’on attende quelqu’un qui n’arrive pas ou que l’on s’amuse avec des camarades) ne doit pas rester pour l’enfant une sphère isolée, purement intérieure et qualitative, qu’il ne peut partager avec personne. Certes, c’est bien là l’expérience irremplaçable et ini-

22 tiatique du temps, mais l’école maternelle doit aussi initier l’enfant à un temps objectif, codifié, et même quantifié auquel il peut intégrer le sien. Une temporalité trop centrée sur le moi est forcément déformée. Il est donc nécessaire d’offrir à l’enfant de quoi rendre le temps plus intelligible donc moins subi. Tout passe trop vite ou trop lentement : l’enseignant m’arrache à mes activités, à mes jeux, à ma contem- plation, ou bien il ne me donne pas assez vite quelque chose à faire ; on me bouscule ou on me délaisse. Dans la mesure où les rythmes imposés aux enfants ne correspondent pas à leurs aspirations, il est bon de commencer à construire une temporalité plus homogène, plus structurée, qui d’ailleurs sera un facteur d’équilibre intérieur. À cet égard, les rituels de la date et du calendrier sont nécessaires à une bonne intégration du temps personnel au temps social mais ritualisation ne veut pas dire automatisation. On n’automatise bien que ce qu’on a compris, que ce dont on a saisi le sens, l’enjeu, la valeur. Ces rituels sont donc à repenser pour faire l’objet d’une appropriation progressive. 3) Temps court et temps long Les programmes de cycle 1 visent à ce que les enfants en viennent à distinguer progressivement le temps court (celui des activités de la journée) du temps long (la succession des jours de la semaine et du mois, l’alternance des saisons). L’enseignant commencera, en fin de cycle, à initier l’élève au temps très long, celui de l’histoire, se rapportant à un passé plus ou moins lointain. 4) Pour une conceptualisation du temps Structurer le temps requiert que l’on travaille dans cinq directions bien identifiées. Pour qu’il y ait conceptualisation du temps par l’enfant, celui-ci doit comprendre que : - Quelque chose arrive, survient, se produit, commence mais aussi cesse, s’interrompt. C’est la logique du «Il était une fois» : quelque chose met en marche la machine temporelle mais aussi l’arrête. «La princesse s’écroula, évanouie.» «Le prince quitta le château à l’aube.» - Quelque chose se déroule et occupe un «espace» de temps : c’est le temps au sens de durée. «Il y avait quatre heures qu’ils se parlaient et ils ne s’étaient pas encore dit la moitié des choses qu’ils avaient à se dire» (Charles PERRAULT, La Belle au bois dormant). - Quelque chose précède ou succède ou encore se passe en même temps Il y a évolution ordonnée dans le temps (nécessaire pour rendre intelligible une histoire) et il y a la simultanéité. «Les trois petits cochons remirent vite le couvercle, et quand le loup fut cuit, ils le mangèrent pour leur souper.» (Conte traditionnel, Les Trois Petits Cochons). - Quelque chose se reproduit, revient, soit en réalité, dans les faits, soit dans mon esprit. «Jeudi, c’est mon jour de judo.» «Je me souviens du jour où nous sommes allés au théâtre.» - Quelque chose change, se transforme, disparaît Cette dernière catégorie préfigure les concepts historiques des apprentissages à venir. «Pendant 160 millions d’années, les dinosaures ont régné en maître sur la terre. Pourtant, il y a 65 millions d’années, les dinosaures disparaissaient.» (Margery FALKLAM, Des animaux disparus ou menacés»).

23 «À l’éclosion, le jeune têtard reste deux ou trois jours fixé à une plante aquatique, puis il se met à nager. Lorsqu’il est muni de quatre pattes, il commence à sortir de l’eau. Le têtard, animal aquatique, s’est progressivement transformé en grenouille.» (Collection Carnets de la Nature-GALLIMARD). Les jeunes enfants comprennent assez rapidement les flexions des verbes et le fait que les verbes changent de temps, même s’ils ne savent pas les conjuguer correctement. («La reine arrivit et buva le poison» est certes incorrect. Néanmoins, l’enfant a bien marqué le passé...) Il ne faut pas oublier que le premier enjeu d’une bonne structuration du temps est la pensée causale. Les événements ne font pas que se succéder, ils sont cause ou effet. Dans la «Belle au bois dormant», c’est parce que le roi ne donne pas un couvert d’or à la vieille fée que celle-ci maudit Aurore. Insister sur l’ordre chronologique dans les récits est une bonne chose, mais il est encore préférable de privilégier l’enchaî- nement causal, sinon on risque de n’avoir qu’une simple juxtaposition d’événements reliés par des «et puis». À cet égard, le texte narratif n’est pas toujours le modèle absolu de l’enchaînement causal. À l’inverse, le texte prescriptif met mieux en valeur le fait qu’une étape de fabrication, par exemple, doit impérati- vement en précéder une autre : «si je ne colle pas ces deux morceaux de mon masque d’abord, je ne pourrai pas plier l’ensemble ensuite pour qu’il s’adapte à mon visage.» De même, le texte documentaire qui expose notamment la naissance, la croissance d’un animal ou d’une plante est le précieux auxiliaire d’un travail sur l’avant comme condition de l’après. Le second enjeu consiste en une distinction explicite et systématique entre un fait réel et un événement fictif, entre le passé légendaire et le passé historique : Une histoire de Père Noël par exemple n’a d’intérêt que si les enfants perçoivent le caractère ima- ginaire du personnage. La dissociation claire du réel et de l’imaginaire est la condition incontournable du déploiement et de la libération de l’imagination (les auteurs ne sauraient trop insister sur ce point). Le corpus des mots qui est joint à ce document n’est en aucun cas une liste de termes à faire apprendre aux élèves. Certaines termes feront partie de leur vocabulaire actif (on peut imaginer que «encore» soit rapidement adopté et même «enfin»…). D’autres termes resteront dans leur vocabulaire passif (ils les comprendront mais ne les emploieront que s’ils leur plaisent !). «Le renard récidiva» veut bien dire qu’il mangea à nouveau une poule. «La princesse s’éternisait» signifie qu’elle met très longtemps à se préparer. Toujours à propos du langage, il ne faut pas négliger les difficultés particulières que peuvent présenter certains mots exprimant le temps, notamment les plus courants d’entre eux. L’enfant peut être étonné, voire désorienté, par des usages qui nous paraissent évidents. Nous disons : «Quel jour est-on ?» aussi bien que «Il fait jour», ou encore «Un jour, tu seras grand». «Jour» est bien l’opposé de nuit mais le même mot désigne aussi 24 heures, soit en fait, un peu de nuit, puis beaucoup de jour, puis encore un peu de nuit. Dans un cas, le jour exclut la nuit, dans l’autre, il l’englobe. Sans compter le «jour» qui ne désigne aucun jour («Un jour, tu seras grand»). Il en va de même pour le mot «heure». «Il est l’heure d’aller à la cantine» ; «Cela fait une heure qu’il est parti» ; «Tout à l’heure» ; comment s’y retrouver ? Il y a l’heure qu’il est, et l’heure qui «fait». Il y a une heure qui ne contient rien ou presque (il n’est pas deux heures cinquante qu’il est déjà deux heures cinquante et une) et il y a une heure qui contient soixante minutes. Il y a le moment et il y a la durée. Il convient de penser aux apprentissages futurs et d’y préparer l’élève. Un jour, il aura à maîtriser le

24 fleuron de la conjugaison, le futur antérieur, où, paradoxe du temps, l’on parle d’un futur comme d’un passé «Quand j’aurai fini mon année de grande section, je rentrerai au CP». Mais l’enfant ne comprend-il pas déjà très précocement : «Quand tu auras fini ton dessin, appelle-moi !». B. DOMAINES DE STRUCTURATION DU TEMPS Il semble particulièrement important de se consacrer à trois domaines : la chronologie, la durée et la simultanéité. Le travail sur cette dernière catégorie est souvent négligé a profit de la chronologie et du repérage dans le temps. Pourtant, c’est un domaine important parce qu’il est susceptible d’amener l’enfant à se décentrer par rapport à son temps personnel : Pendant que je suis là, les autres sont en train de… Maman, Papa, mes frères et soeurs ne sont pas là avec moi, à l’école, mais, dans le temps où je suis, moi, à l’école, ils sont ailleurs occupés à autre chose. Construire cette vision d’une simultanéité, d’abord à l’intérieur de l’espace-classe, puis progressivement, l’élargir à une représentation mentale de ce qui fait l’«épaisseur» du temps, est l’équivalent de la décentration visée dans le travail sur l’espace. Autrement dit, réaliser que «autre chose se déroule ailleurs que dans son temps prsonnel» n’est pas un processus simple. 1) La chronologie Il est nécessaire de doter l’enfant d’une logique du temps et pas seulement d’un ordre temporel. Nous voulons dire par là qu’une suite d’événement ne suffit pas à faire une chronologie, pas plus que la comptine des nombres ne fait la numération. Il faut échapper à la pure et simple juxtaposition de faits. Pour que l’enfant intègre son temps personnel au temps social, il est certes essentiel qu’il y ait de l’ordre dans sa vie et des repères. Il faut qu’il y ait des «avant» et des «après» mais la pensée doit se faire pour que les «avant» conditionnent les «après» (On se lave les mains avant de manger sinon, on n’est pas prêt à manger, on ne mange pas). C’est à cette seule condition que l’on peut faire valoir des raison- nements comme «Tu n’as pas… donc tu ne peux pas…». Il faut souligner que la contrainte de l’avant par rapport à l’après est, paradoxalement, un facteur de libération et que tout ce qui s’impose comme étapes à réaliser «avant de» me donne des armes pour maîtriser le temps. L’enfant qui s’empare de la petite carte qui représente «l’heure des mamans», pour la mettre juste après celle de l’activité en cours agit de façon «magique» comme pour compresser le temps, donc le nier. Comprendre, accepter que des étapes me séparent de cemoment où quelqu’un viendra me chercher, c’est aussi comprendre que ces mêmes étapes me permettent de l’attendre et de l’atteindre. On ne voit pas pourquoi on ne concevrait pas des petits «amas» du temps qui auraient l’avantage de matérialiser des repères temporels à la fois naturels (jour/nuit) et conventionnels (école/maison). Leur complexité serait grandissante suivant les paliers. Ce qui se réduirait à un jour /nuit pour les plus petits pourrait devenir une semaine pour les plus grands. Au lieu de leur demander si c’est une journée complète ou une demi-journée (et pas une «petite» ou une «grande» journée, terminologie infanti- lisante), pour chaque jour d’école de la semaine, les enfants devaient avoir une vue d’ensemble, une vision synoptique de la semaine : qu’ils sachent ponctuellement que mercredi et vendredi sont des demi-journées, c’est bien. Qu’ils sachent que mercredi succède à deux jours pleins et vendredi à un seul jour plein, c’est mieux. Mais, c’est encore mieux qu’ils sachent que lundi et mardi, jours pleins succèdent à deux jours «vides» (sans école), qu’il y ait orientation dans le temps comme c’est le cas pour l’espace. La logique des relations doit prévaloir sur la désignation substantialiste : ainsi «hier» n’est pas un jour en particulier, c’est le jour qui précède celui d’aujourd’hui. «Hier» n’est pas une «chose», la semaine est un système de relations. Un linguiste dirait qu’«hier» est un signifié ayant plusieurs référents (tous les jours de la semaine). L’idéal serait que cette semaine soit construite par chaque enfant et qu’il en dispose, comme les plus grands de l’élémentaire ont leurs cahiers de textes, et les plus grands encore leurs agendas.

RkJQdWJsaXNoZXIy NzgwOTcw