Dossier-Pedagogique-ORERO

'Ōrero àl’écoleprimaire L’artdéclamatoire DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Direction de l’Enseignement Primaire –Cellule LCP- Enseignants ‘Orero : Rufina Tetumu et Abel Teahua - 1 - L’art déclamatoire ’ōrero à l’école primaire Dossier pédagogique Décembre 2008 MINISTERE DE L’EDUCATION, DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE en charge des Transports Terrestres DIRECTION DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE

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Direction de l’Enseignement Primaire –Cellule LCP- Enseignants ‘Orero : Rufina Tetumu et Abel Teahua - 3 - REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier : - Pour la confiance qu’ils nous ont accordée et pour la continuité du dispositif relatif à la promotion des langues et de la culture polynésiennes : • M. ALPHA Tearii, Ministre de l’éducation, • M. MORHAIN Christian, Directeur de l’enseignement primaire, - Les initiateurs du projet : • M. RAAPOTO Jean-Marius et M. MARCHAL Ernest - Les formateurs pour leur expertise et leur disponibilité: • Mme DEVATINE Flora : Académie tahitienne • Mme GOBRAIT Valérie : Professeur certifié de Reo mā’ohi au lycée de Taaone • M. TERIIEROITERAI Jean-Claude Faatomoavaa : Membre de l’Association Haururu - Les écoles pour leur intérêt et leur engagement dans ce projet : • Les élèves, les enseignants et la direction des écoles de Ahutoru, Nahoata, Taimoana, Tiapa, Tiamao, Hélène Aufray, Ahototeina, Potii, Mamu, Paofai, Tutera’i tane, To’ata, Maeha’a nui, Manotahi, Vaiatu, Apea, Faretai, écoles et CJA de Moorea. - Les personnes ressources pour le partage des connaissances : • M. ROCHETTE Charles Ariitetoa (Patrick) : Tradition orale Teahupo’o • M. MARAETEFAU Benjamin : Tradition orale Pa’ea • M. OUDY Ariioehau Georges (Pāpā ’Uti ) : Tradition orale Papara • M. TUARAU Serge : Tradition orale Fa’a’a • M. LEON Bruno : Tradition orale Fa’a’a • M. TETUMU Teriitauairohotu : Tradition orale Vaira’o • M. FAOA Léon ( pāpā ’Ura ) : Tradition orale Vaira’o • M. TETAHIOTUPA Edgar : CRDP – Docteur en anthropologie sociale et culturelle • Mme RONGOMATE Anna : CRDP – Référente en reo mā’ohi • Mme TAUMIHAU Yasmina : Présidente de l’Association Haururu -Papeno’o - La Cellule Langues et Culture Polynésiennes pour l’aide et la dynamique permanente apportée à ce dossier : • Mme PAIA Mirose : Maître de Conférence (Docteur en linguistique) et Chef de la cellule • M. DEANE Richard : CPAIEN – Responsable pédagogique à la Cellule LCP • Mme TAPEA Elsie : CPAIEN • Mme FAAHU-VAKI Nöelle : CPAIEN

Direction de l’Enseignement Primaire –Cellule LCP- Enseignants ‘Orero : Rufina Tetumu et Abel Teahua - 4 - TABLE DES MATIERES 1 – Généralités : A ) Définitions du ’ōrero. Le ’ōrero dans la littérature orale polynésienne ancienne. B ) Origines du ’ōrero : Etymologie C ) Les différents types de ’ōrero : les genres littéraires. D ) Composition d’un ’ōrero 2 - Les Objectifs de l’enseignement de l’art oratoire dans le premier degré. A ) Pourquoi travailler le ’ōrero ? Que nous disent les programmes ? B) Rôle et place du maître dans le ’ōrero. C ) Quelques conseils pratiques D ) Analyse des interventions dans les écoles 3 – Les instruments d’accompagnement 4 – Séquences didactiques 5 – Bibliographie 6 – Annexes a) Tableau récapitulatif des genres b) Proposition de programmation (Pehepehe, Piri, pāta’uta’u,’ā’ai…) c) exemple de fiche pédagogique (Piri) d) Exemples de découpage de textes et corpus de textes e) Cartographie

Direction de l’Enseignement Primaire –Cellule LCP- Enseignants ‘Orero : Rufina Tetumu et Abel Teahua - 5 - 1 – Généralités Le ’ōrero, une pratique forte du patrimoine culturel et linguistique polynésien Généralités 1 : La société polynésienne, tout comme le reste de l’espace océanien est une société à tradition orale. Le ’ōrero s’inscrit obligatoirement comme une expression littéraire ancestrale dans la mesure où il devait répondre à des exigences littéraires et langagières. En outre, seuls les initiés ou spécialistes– tahu’a, ’auvaha ari’i ou messager du chef, haere pō, ori pō ou récitants des généalogies, ou encore les hiva, toa, ’aito c’est-à-dire des guerriers auteurs de hauts faits, et les rautī tama’i, guerriers harangueurs étaient en droit de pouvoir s’exprimer devant un auditoire qui les reconnaissait en tant que tels car formés dans des écoles de spécialistes, les fare ’aira’a upu et les fare ha’api’ira’a. Néanmoins, la visée du discours était sociale et politique. Il s’agissait particulièrement d’asseoir le pouvoir d’un chef, d’une chefferie, d’un ancêtre ou d’une divinité. Les outils mnémotechniques étaient ceux de l’oralité à savoir l’utilisation d’accessoires tels que le ’autī (cordyline terminalis)2 , le ’ōmore (lance, massue) , le rau mei’a ( feuilles de bananier )3, le viriviri ( sorte de rosaire )4. Au sein du discours, l’intonation et la force de l’intention, le jeu sur le rythme et les répétitions ou encore l’utilisation de toponymes identiques et de correspondances malgré les variantes régionales ont fait du ’ōrero un véritable réceptacle de la mémoire ancestrale. Le glissement sémantique du ’ōrero en tant que forme d’expression artistique et littéraire ne s’opère véritablement qu’après l’apparition de l’écriture. Le ’ōrero, en rentrant dans l’écrit n’est plus un discours social, politique ou bien une prière. Il devient un art. L’art oratoire ou déclamatoire est transmis et classifié en même temps que l’enseignement du message biblique. Les ’ōrero recueillis par les missionnaires anglais sont reconnus comme faisant partie intégrante de la littérature orale polynésienne ancienne ainsi que ceux des puta tupuna – livres des ancêtres des familles. Les ’ōrero commencent à être écrits avant d’être oralisés. On peut parler d’une certaine forme de démocratisation de la parole en même temps que du message biblique, même s’il n’est pas donné à tout le monde de déclamer un discours devant un public. Certaines familles ont transmis ce savoir à leurs descendants certes, mais très peu se hasardent à cet exercice car considéré comme sacré. Depuis les années 70-80, suite au renouveau culturel, le ’ōrero revient à la mode, le Heiva5 en est une illustration. Il redynamise et démocratise l’art oratoire et affirme ainsi la vigueur et la richesse de la culture littéraire polynésienne. Par ailleurs, la participation de diacres voire de pasteurs dans la vie politique polynésienne a permis l’élaboration de discours, de ’ōrero ou bien ’ōrerora’a parau (allocution, exposé, discours) sur le même principe par les politiciens. Cette volonté de transmettre s’est également manifestée par une décision politique d’ouverture d’une classe de ’ōrero au sein du Conservatoire Artistique de la Polynésie française dans le cadre de la promotion du patrimoine culturel polynésien cela, depuis la rentrée scolaire 2000. L’enseignement à raison d’une heure par semaine de ’ōrero donne à celui-ci un statut équivalent à celui de la danse traditionnelle ou d’autres disciplines. Dans cet ordre d’idée, le ’ōrero, au même titre que les autres, devient une discipline artistique à part entière. 1 D’après Valérie Gobrait 2 Tahiti aux temps anciens p45 : « Le ti est peut-être la plus importante des plantes polynésiennes. Ses belles feuilles vertes ou jaunes étaient portées par les orateurs, les guerriers et les magiciens en fonction et le ti leur sert de protection » Le ti représente la plante sacrée des polynésiens par excellence car on prétend qu’il est capable d’éloigner les mauvais esprits, on lui attribue aussi des vertus médicinales et on l’utilise pour diverses fonctions (Vaihere Cadousteau). 3 Tahiti aux anciens p180 : « En témoignage de paix….. » p307 : « La pousse de bananier offerte aux dieux ….était l’emblème du respect au roi et de l’esprit de conciliation des groupes antagonistes. » 4 Tahiti aux temps anciens p168 : « Les prêtres tordaient et faisaient des nœuds sur des feuilles de cocotier en faisant une sorte de rosaire appelé viriviri ( tordu ) qu’ils utilisaient pour compter leurs prières pendant les nuits de veille. » 5 Manifestation culturelle organisée au mois de juillet principalement sur l’île de Tahiti avec des spectacles de danses et chants et des activités de lancer de javelot, course de porteurs de fruits, course de pirogue….

Direction de l’Enseignement Primaire –Cellule LCP- Enseignants ‘Orero : Rufina Tetumu et Abel Teahua - 6 - Démocratiser cet art permettra t-il de redynamiser le ’ōrero ? Nous proposons modestement au travers de ce document, une réflexion et des pistes de travail menées sur le ’ōrero dans le cadre de l’enseignement des langues et de la culture polynésiennes à l’école. Nous aborderons, d’une part, les genres littéraires, et d’autre part, les liens avec les programmes. Ceci, dans le seul but de promouvoir le ’ōrero dans les écoles. Ce travail, sous l’impulsion et l’égide de la Direction de l'Enseignement Primaire, a fait suite à une formation avec des intervenants reconnus de l’île6 pour leurs compétences en la matière et leurs convictions quant à la mise en oeuvre de ce dispositif qui mérite véritablement une attention particulière. A ) Définitions du’ōrero. De nos jours, le ’ōrero désigne deux réalités : l’orateur et le discours. L’orateur (Ti’a ’ōrero) Issu d’une famille (la lignée) de ’ōrero ou d’une famille royale dans l’ancienne société polynésienne, il était le messager de la famille, de la population, du chef, ou des dieux. Enfant, il suivait l’enseignement des « tahu’a » (des spécialistes) reconnus pour leur maîtrise de la culture et leurs connaissances du patrimoine polynésien. Le ari’i (chef) seul choisissait son ’ōrero. Il devenait alors son messager, celui qui récitait des discours à l’occasion de cérémonies sur le « marae », celui qui assurait le lien entre le peuple et les dieux. Aujourd’hui, le ti’a ’ōrero est un artiste ou un expert en art oratoire. L’art oratoire ou la rhétorique « Art de bien parler. C’est la technique de la mise en œuvre des moyens d’expression. Elle exige d’articuler parfaitement, de prononcer clairement et de dire juste ».7 Synonymes : Déclamation, emphase. C’est la capacité d’un individu à discourir dans le but de transmettre sa sagesse, sa compétence, l’histoire, l’identité du lieu auquel il appartient. Le ti’a ’ōrero maniait les mots de manière à séduire, attirer, charmer, captiver, et séduire la foule.8 Il utilise la rhétorique sous toutes ses facettes : réciter, chanter, varier l’intonation ainsi que le rythme ou la vitesse d’exécution. Dresser le portrait du ti’a ’ōrero, en ne se limitant qu’à ses aptitudes langagières serait réducteur. Le ti’a ’ōrero, dans la construction de sa personnalité a une certaine prestance, une maîtrise de son corps. Il fait appel à d’autres « techniques » telles que : La gestuelle (’apa), le mime et la danse. L’orateur doit s’entraîner de manière à pouvoir vaincre sa peur et sa honte face à un public. L’utilisation d’accessoires doit être un moyen par lequel l’orateur gagne en assurance et en maîtrise de soi. Les accessoires peuvent être une feuille de ’auti, un rau mei’a ou feuille de bananier verte, un ’ōmore ou lance-massue, un pātia ou un tao c’est-à-dire une lance, tout cela en fonction du thème ou du sujet du ’ōrero.9 Cet art nécessite donc une parfaite connaissance de sa langue et de ses origines. Il est aussi un facteur de sociabilité (aptitude à vivre en société) et d’ouverture d’esprit. Dans la logique des ti’a ’ōrero, les ancêtres sont toujours vivants, ils leur insufflent une force et une assurance. 10 B ) Origines du terme ’ōrero : Etymologie 6 Valérie Gobrait (professeur de reo mā’ohi au lycée de Taaone), Flora Devatine (Académicienne), Jean-Claude Teriierooiterai (membre de l’association Haururu). 7 Petit Robert 8 D’après Jean-Claude TERIIEROOITERAI 9 D’après Valérie Gobrait 10 D’après Flora Devatine

Direction de l’Enseignement Primaire –Cellule LCP- Enseignants ‘Orero : Rufina Tetumu et Abel Teahua - 7 - Une étude étymologique a été réalisée par Bruce Biggs en reconstituant le lexique du Proto-Polynésien ( PPN ).11 Le terme ’ōrero tire son origine du terme Proto-Polynésien *qalelo, « langue » (arero qui veut dire langue en tant qu’organe en tahitien). L’allongement de la première voyelle du mot kōrero pourrait avoir pour origine l’adjonction d’un préfixe ( ko ou kō ) à une époque reculée, alors que les polynésiens orientaux ne s’étaient pas encore entièrement dispersés : kōrero = kō + arero kōarero kōrero ’ōrero. L’art du ’ōrero pourrait donc être l’art de manier la langue. Voici certaines désignations du terme ’ōrero dans les langues polynésiennes du groupe oriental ( PEP ), elles signifient un discours, la parole, les mots. - Hawai’i : ’ōlelo - Māori : kōrero - Rarotonga : kōrero - Pa’umotu : kōrero - Mangareva : Tīporoporo Le Conservatoire Artistique Territorial donne son interprétation du terme ’ōrero se basant sur un découpage par unité de sens : « ’ōrero » peut être segmenté en cinq unités de sens : ’o/re/ro/’ore/rero. ’O Jardin cultivé, un enclos, une terre = article personnel précédant un nom propre, le sujet d’un verbe ou d’un prédicat. Ō ( sans glottalisation ) : Don de dieu, une offrande, des ressources nécessaires à la vie de l’homme = pouvoir entrer. Par extension, cela évoque la plate-forme où l’homme forge son expérience, sa sagesse. RE Victoire remportée lors de jeux ou de compétitions. RĒ Action laborieuse et préparée où la recherche de l’appui des divinités est une nécessité et une garantie pour que son résultat soit une réussite. RŌ Fourmi : la fourmi est un insecte dont la particularité est d’évoluer avec un esprit d’entreprise et de groupe. Elle représente le travail organisé et méthodique = toron de corde12 ’ORE Adverbe se plaçant après le verbe afin d’en inverser le sens. Notons : ’ORE NOA = adjectif, qui cesse de soi-même. AORE ’ORE ’ORE = verbe intransitif, cesser progressivement. AORE = chiffre zéro, l’atmosphère, le ciel, le vide. Expression de la négation, « AORE » évoque l’acte individuel pour le polynésien d’antan, l’acte personnel et isolé. Cet acte est voué d’avance à l’échec pour ce dernier car il ne répond pas aux normes exigées par la société qui était régie par le principe de la vie en communauté. RERO ou plutôt REKO = « RERO » ne semble pas exister dans la langue tahitienne mais est assimilé au terme pa’umotu ( de l’archipel des Tuamotu ) « REKO » qui désigne la parole, le parler, le moyen de communication, de transmission du savoir. Notons qu’il ressemble au terme « REO » qui, en tahitien, désigne la voix, la langue, le mot, l’air ou la mélodie musicale. Bien que ces termes offrent séparément des possibilités d’interprétation, ils trouvent toutefois leur point commun dans le fait qu’ils évoquent la notion de communauté13. L’auteur note en effet que ’ōrero peut être segmenté en ’ore / ro = « pas ou plus de fourmi » et il poursuit que « Ce sens peut apparaître comme dénué de tout rapport avec le sens que nous donnons au terme’ōrero. Pourtant, il existe une interprétation possible. La fourmilière évoque souvent quelque chose qui grouille ou l’idée de bourdonnement. Or, la récitation des généalogies était réputée pour être ennuyeuse à entendre, par sa longueur étonnante et le ton monocorde du ’ōrero . Le rythme monotone et interminable qui était une caractéristique du discours du généalogiste semble tout à fait correspondre avec cette idée de bourdonnement. 11 Pollex 94 12 Dictionnaire de la langue de Tepano Jaussen 13 Commentaires de Vaihere Cadousteau sur l’étymologie imaginative donnée par le Conservatoire Artistique Territorial

Direction de l’Enseignement Primaire –Cellule LCP- Enseignants ‘Orero : Rufina Tetumu et Abel Teahua - 8 - Le même auteur donne une autre approche du mot ’ōrero qui serait la contraction de l’expression « e ō nā te ārero » qui signifie « c’est un don de la langue ». Cette approche met en avant l’idée que le ’ōrero est « don » avant d’être une simple technique et qu’il est bien quelque chose de naturel au départ, une sorte de don divin.14 Ceci valorise la première fonction du discours qui était une fonction purement identitaire pour le polynésien d’autrefois, Polynésien dont la finalité était d’avoir une pleine connaissance de ses origines. Le ’ōrero nécessite donc une connaissance parfaite de sa langue et de ses origines. C ) Les différents types de ’ōrero15: (Définitions de 6 genres littéraires) La tradition orale polynésienne se traduit par une grande diversité des genres, certains communs aux cinq archipels de la Polynésie française, d’autres spécifiques à chaque entité culturelle et linguistique. Cette tradition orale se transmet généralement sous forme de discours : parole, chants ou gestes, réalisés seuls ou accompagnés de l’un et/ou l’autre des trois formes. On peut ainsi établir une typologie de ces types de discours, où chaque acte de parole, chaque mélodie, chaque geste, se caractérise par un contenu spécifique, un style propre, pour une finalité définie, et se réalise en fonction des circonstances particulières. En effet, un heva ou chant de deuil ne se chantera pas de la même manière, que l’on assiste aux obsèques d’un ari’i (chef) ou à celle d’un toa (guerrier). De la grande diversité littéraire représentée au travers de la tradition orale polynésienne, le lecteur trouvera au cours des pages qui suivent quelques types de discours accompagnés d’un petit explicatif en langue tahitienne et en français. Nous reprenons ci-après les définitions des genres littéraires proposées, pour l’année 2000, année des langues polynésiennes, par le ministère de la culture et de l’enseignement supérieur chargé de la promotion des langues polynésiennes16. Genre littéraire : TE PARIPARI I te rahira’a o te taime, e fārereihia te paripari i roto i te himene tārava. No roto mai teie fa’anahora’a parau i te parau tumu ra « pari ». E aha te pari ? Teie ia maoti : ‘o te hō’ē ia mato-topa-huru-tārere e ’itehia mai nā te ātea, nā tua roa mai. Nāna e fa’a’ite i te rātere va’a ē, e fenua teie, nāna e pari, mai te ta’ata ’ia pari ana’e i te tahi, te fa’a’ite ato’a ra ia ’oia i te tahi ’ohipa tā te tahi i rave, ’aore rā i fa’atupu. Mai te reira ato’a i roto i te paripari fenua. I reira e fa’a’ite-roa-hia ai, e tohu-roa-hia ai te mau ’ōti’a, te mau tūha’a, te mau i’oa o te fenua. Teie te tahi tuha’a paripari fenua ’ei hi’ora’a : « E moti i Vai-ō-va’u e horo roa i ’Ea’ea, o Hitia’a te fenua. Te mou’a i ni’a, o Te-vai-Tohi, o Mauru e o Tā-houtira. Te tahua i raro, o Te-’iri’iri. Le paripari est l’un des genres littéraires, l’un des types de discours les plus fréquents dans la tradition orale polynésienne. On le rencontre généralement dans le himene tārava qui est un chant traditionnel relatant les lieux, les sites, les héros ainsi que les hauts faits d’un district ou d’un peuple. Paripari vient de la notion pari qui veut dire, montrer, nommer, accuser. Te pari désigne une falaise escarpée visible de loin, du large. Il indique au navigateur que la terre est proche ; Il « pari » comme celui qui accuse autrui. Il rapporte des faits qui ne sont pas réalisés. Ainsi, au travers d’un paripari fenua par exemple, l’orateur s’attachera à montrer en les nommant tous les lieux fondateurs et prestigieux de son district : Voici un extrait de paripari fenua : « Depuis Vai-ô-vau jusqu’à ‘Ea’ea, Hitia’a est la terre. Les montagnes qui se dressent sont Te-vai-Tohi, Mauru et Tā-hou-tira. La place de réunion en contrebas est Te-’iri’iri. 14 Vaihere Cadousteau : Mémoire sur « Le ’ōrero: Le renouveau d’un antique art oratoire » 15 Service de la Culture et du Patrimoine 16 Dans Reo Mā’ohi, polices de caractères, CD-ROM, Services des Nouvelles Technologies de la Présidence du Gouvernement de la Polynésie française.

Direction de l’Enseignement Primaire –Cellule LCP- Enseignants ‘Orero : Rufina Tetumu et Abel Teahua - 9 - Te ’outu i tai, o Pape-he’i. Te vai, o Mānini-haorea e o Maha-te-ao. Te marae, o Hitia’a e o Taputapu- ātea… » L’intérieur de la pointe se nomme Pape-hei. Les rivières sont Mānini-haorea et Maha-te-ao. Les marae sont Hitia’a et Taputapu-ātea. » Genre littéraire : TE FA’ATENI Te fa’ateni, te huru ’ōrero ia e fa’a’ohipahia nō te fa’a’ite’itera’a i te hō’ē fenua ānei, te hō’ē ta’ata, ’aito ānei, ’aore rā te tahi tupura’a ’ohipa ānei. Tōna parau tumu, e « teni », ’oia ho’i e teitei, e ’una’una. Teie te tahi hi’ora’a : « O te marae nei te mo’a e te hanahana o te fenua, o te te’ote’ora’a ia o te ta’ata nō teie mau fenua, o tō te fenua ia ’una’una te marae , E aora’i ia i pūpūhia nā te Atua. … nō te marae tupuna nei i ta’ohia ai ē, e ’āi’a fenua nō te ta’ata…» E nehenehe te fa’ateni e fa’aō mai i roto i te tahi atu huru ’ōrero : tē vai ra te parau fa’ateni iho, tē vai ato’a rā te fa’ateni e haere mai e ha’apori i te paripari, i te fa’atara, te ’oto ha’a, e te tahi atu ā… Le fa’ateni est un type de discours utilisé afin de louer, de glorifier, de “mettre sur des hauteurs” une terre, un personnage, un héros civilisateur, un fait, une action. « teni » c’est louer, exalter, glorifier. En voici un exemple : « Le marae ( temple polynésien ) est la sainteté et la gloire d’une terre, il fait l’orgueil de hommes de ces contrées, Magnificence de la terre est le marae, Il est l’olympe qui fut offert aux Dieux. … de ce marae ancestral il a été dit : il est la patrie de l’homme… » Le fa’ateni peut être intégré à d’autres genres littéraires, en complément : comme le paripari fenua, le fa’atara, les lamentations, etc… Genre littéraire : TE FA’ATARA I mana’o-noa-hia na ē, te fa’atara, e fa’ateni ato’a ia. Eere roa atu ia. ‘Inaha, noa atu rā tō rāua fa’aaura’a huru piri, e’ita te fa’atara e hape ia tātara mai. Tōna ta’o tumu, ’oia ia te ta’o ra « tara ». Eaha te tara ? I roto i te nātura, o te moiha’a ia e pāruru nei i te fatu i taua tara ra. E riro te tara i te pātia, mai te mea ra e te fa’aara atura ia vetahi ’ē i tō tera pūai, tō tera ’aravihi. E fa’a’ohipa ’oe i te fa’atara nō te fa’a’itera’a, nō te fa’aarara’a ia vetahi ’ē i tō ’oe pūai, tō ’oe ’aravihi, tō ’oe fāito i mua iāna, ’ia fa’atura mai ’oia iā ’oe, e’ei rāve’a pārurura’a ia ’oe. Ei hi’ora’a : « O To’ahotu ti’ira’a tapu ! E fenua ‘ino, fenua fao, e fenua tapu ! E’ita e fa’aherehere i te ari’i ! ’Ua rave, ’ua rave roa, Opapa, opapa Vaira’o ! » « Huahine, te ti’ara’a o te mata ’o To’erau ē ! Le fa’atara est très souvent confondu avec le fa’ateni. Bien que proche, ces deux types de discours ont des finalités différentes. ls mettent tous deux en exergue le prestige d’un lieu ou les qualités d’un personnage. Alors que le fa’ateni n’en fait que l’éloge, le fa’atara y rajoute un très fort sentiment d’orgueil et de défi. Cette fois, l’orateur mettra en valeur, non plus sa plus belle fleur, mais les épines (tara) de son tronc, il s’assure ainsi la reconnaissance et le respect de la part des autres. Exemple : « Elle se nomme To’ahotu, à qui l’on a recours pour les sacrifices ! C’est une terre impitoyable, Une terre de magie noire, Une terre de sacrifices ! Elle n’épargne point les rois ! Elle prend, elle prend pour garder, Triomphante, triomphante de Vaira’o ! »

Direction de l’Enseignement Primaire –Cellule LCP- Enseignants ‘Orero : Rufina Tetumu et Abel Teahua - 10 - Huahine, hu’ahu’a te ‘aru ! E marama pūpū fatifati , Mārō te heiva ! » « Huahine, où se tient l’œil du vent du vent du nord ! Huahine, dans les embruns des vagues ; Au clair de lune sur des coquillages brisés ; Dont l’obstination est le passe-temps ». Genre littéraire : TE TA’U / PĀTA’U / PĀTA’UTA’U Mai te huru tai’ora’a te ta’u, ’inaha, e ta’uhia nō te tai’o, nō te tātūha’ara’a i te terera’a ’aore rā i te ravera’a o te tahi ‘ohipa. E mea fa’anaho te ta’ura’a, e mea maumau tōna pe’epe’e mai to te tai’o-tāta’i-tahi-ra’a. E mauiha’a teie nō te tāmau ‘ā’au ra’a i te tahi ’ohipa, i te tahi parau. Teie te hi’ora’a, : « E fa’aarara’a nō te to’i Tā’ai atu nā i te to’i ! Pūpū ! E ‘aro ! E ra’ai ! Fa’atae atu i te to’i i mua i te au ! E rāhiri i te maro rere ! E ara nō Tane, atua tahu’a nui ! E ara no Ta’ere mā’opo’opo ! E ara nō Te-fatu nu’u ! E ara nō Ta’aroa, metua a te nu’u atua ! » Le ta’u ou le pāta’uta’u est un discours scandé et très rythmé utilisé pour compter, énumérer ou lister un procédé, une technique, un savoir-faire. Sa fonction est surtout mnémotechnique et pédagogique. En effet, de par son rythme très marqué, encourageant et entraînant, il permet d’initier à un savoir-faire, à une technique ou à une connaissance détaillée. Mais il contribue surtout à la mémorisation des paroles ainsi scandées et décomposées. En voici un exemple sur le maniement du to’i (herminette) instrument symbolique dans la culture polynésienne : « Réveillez l’herminette ! Faites donc voyager l’herminette ! Présentez-la, faites-la combattre, à sa juste valeur ! Menez l’herminette dans le courant, … » Genre littéraire : TE ’Ā’AI Te parau tumu nō te ’ā’ai, tei te mā’a ia. ’Eiaha rā i te mā’a nō te ’ōpū, maori rā nō te vārua, nō te mana’o. E nā roto i te terera’a o te tahi ’ā’amu ’o tā te ’ā’ai e fa’anaho mai, e ha’apa’ari mai ’oia i te ta’ata i ni’a i te parau o tōna ato’a ra hīro’a. E fa’ahiti mai ’oia i te tumu, i te ti’ara’a e i te peu o te mau mea ato’a nō te ao nei : ’o te parau pa’ari ia o te ’ā’ai. I mua i te tahi fa’anahora’a fifi, e ha’api’i ture mai te ’ā’ai i te ravera’a, te rohira’a ’ia maita’i i muri iho. Le ’ā’ai ou légende se traduit littéralement par « nourristoi ! ». En effet, au travers d’une trame narrative généralement fictive, la légende alimente l’individu de savoirs de base, nécessaires à la construction de son identité et à son intégration dans la société dans laquelle il vit. Elle lui enseigne ses origines, lui reconnaît et lui affirme un statut, elle lui dicte des règles et des lois qu’il doit suivre à la lettre pour s’approprier le monde. Ainsi, face à une situation problématique fictivement narrée par la légende, chacun, de quelque âge et de quelque statut qu’il soit, y trouve les meilleurs moyens pour la rendre meilleure. Genre littéraire : TE PIRI

Direction de l’Enseignement Primaire –Cellule LCP- Enseignants ‘Orero : Rufina Tetumu et Abel Teahua - 11 - E parau huna, e parau mo’e i parauhia ai e piri. Te aura’a ra, ’ua pirihia tōna aura’a ’ei rohira’a na te mana’o e te ferurira’a i tōna tātarara’a. ’Ua riro teie fa’anahora’a ’ōrero ’ei ha’utira’a, ’ei tāta’ura’a, ’ei fa’a’aifaitora’a i te ’ite e te māramarama ho’i o te tahi ta’ata i tō te tahi ’ē atu. ’Ua riro te tu’ura’a piri ’ei rāve’a ha’apa’arira’a i te ferurira’a, ’ia ’aravihi te fa’anahora’a o te mana’o o te ta’ata ’ia tu’u mai. ’Ei hi’ora’a : « Upo’o iti mata rau, arero iti parau ‘ore. » ‘O te ‘uru ia. « Tāumi, tāumi te pito,‘ara’ara te mata. » Eaha ia ? E mōrī pata ia. Le piri est un genre de discours se rapprochant de la devinette ou de la charade. C’est un discours fait de métaphores servant à mettre au défi le potentiel de connaissances ainsi que l’esprit de déduction de l’individu. Il apparaît le plus souvent sous forme de joutes oratoires, le vainqueur étant bien sûr celui dont le piri n’a pas été élucidé. Outre l’aspect ludique de sa forme, le piri améliore les capacités de réflexion, de déduction, d’imagination, en un mot, de développer la vivacité d’esprit. En voici deux exemples : « Petite tête aux yeux multiples, petite langue qui ne dit mot. » C’est le fruit de l’arbre à pain. « Appuie, appuie sur le nombril, il écarquillera les yeux ! » C’est une lampe torche. Dans son ouvrage sur le piri, Bruno Saura17 relève que les polynésiens possèdent une grande culture de la devinette dite piri qui présente des caractères communs avec celles d’autres peuples, notamment ceux d’Afrique et de Madagascar. Le piri étant l’évocation métaphorique d’un objet familier, à l’aide d’une, deux ou trois de ses propriétés. Le but recherché est l’identification de cet objet. L’auteur donne ainsi une définition du terme piri qui signifie coller / être collé, se rapprocher / être rapproché, serrer / être serré. « Ce qui colle », « se rapproche », est tout simplement la réponse qui doit venir s’emboîter le plus logiquement à la question. Le piri est une image (hōho’a), une association de mots et d’idées (fa’aaura’a parau). La personne interrogée doit donc se rapprocher (piri, tāpiri) le plus possible de la logique du détenteur ou celui qui pose le piri (te tu’u piri) pour en triompher. Elle doit « tātara » (décortiquer, extraire) le piri, c’està-dire extraire sa signification. Ces devinettes sont décrites la plupart du temps comme des amusements (ha’utira’a), des distractions joyeuses (areareara’a). Il n’en demeure pas moins qu’un combat s’engage entre le détenteur (tu’u piri) et ses camarades de jeu. Car répondre à un piri se dit tāma’i i te piri. Cela peut être considéré comme une guerre intérieure, mentale ». D ) Composition d’un ’ōrero La composition d’un ’ōrero est toujours codifiée. On combine toujours discours improvisé (tata’u) et discours mémorisé (’ōrero). Voici un plan de ’ōrero exploitable lors d’une fête d’école. 1) ’ōrero fa’ari’ira’a voir chapitre 3 : Textes et sons Discours d’accueil * Saluer l’assistance : le salut devra être hiérarchisé. -> les personnalités (hiérarchie respectée), les organisateurs, les parents. * Préciser le lieu de rencontre : le nom de la terre. * Discours : utiliser des anaphores (termes mnémotechniques) tels que : Mānava (utilisé pour les dieux), Maeva (pour des personnalités) et Ia ora na (pour toutes les autres personnes). 2) Tata’u Discours improvisé servant de transition pour introduire le paripari fenua. -> parler très brièvement de l’histoire de la terre (fenua) sur laquelle on se trouve. Ex : Papeno’o et ses différents noms qui sont relatés dans le paripari 3) Paripari fenua Toponymie de Papeno’o, il a valeur de preuve suite au discours improvisé. 4) Tata’u Discours improvisé sur la vallée de Papeno’o, relater un fait historique : lieu de refuge à tous ceux qui avaient des difficultés politiques ou autres. 5) Fa’ateni nō Teta Il relate cette coutume 17 Façon de dire, manière de penser. Les piri – devinettes – de Tahiti par Bruno SAURA. Journal de la Société des Océanistes 110, année 2000-2001

Direction de l’Enseignement Primaire –Cellule LCP- Enseignants ‘Orero : Rufina Tetumu et Abel Teahua - 12 - 2 – Les Objectifs de l’enseignement de l’art oratoire dans le premier degré L’idée directrice de ce projet en faveur des élèves du premier degré a pour but la découverte de l’art oratoire’ōrero. Il nous faut en effet porter l’attention vers cette forme ancestrale d’expression et la rendre accessible à tous les élèves du primaire. Il s’agit donc d’intégrer une pratique culturelle dans les programmes d’enseignement du premier degré. L’intégration du ’ōrero à l’école a pour objectif principal l’appropriation par les élèves du premier degré de leur culture et de leur langue par le biais de cet art. Force est de constater que les élèves polynésiens sont pour la majorité d’entre eux timides et très peu sûrs d’eux que ce soit à l’oral ou à l’écrit. Par le biais de la dramatisation d’un court texte voire sa déclamation, il doit pouvoir acquérir de l’assurance, une certaine confiance en lui, de même qu’être bien dans sa peau. En outre, l’acquisition progressive des compétences transversales telle que la mémorisation, une attitude positive face à une tâche demandée, un travail méthodique doivent permettre à l’enfant de pouvoir les transposer aux autres disciplines et viser ainsi la réussite tout au long de sa scolarité. Certes, les exigences cognitives et langagières jusqu’à leur évaluation doivent être définies ainsi que la forme artistique d’expression suivant le type de ’ōrero ; il n’en reste pas moins que le ’ōrero est un moyen privilégié pour le travail sur l’expression théâtrale et poétique qui ne peuvent être que bénéfiques à l’éveil d’un enfant bien dans son corps et dans son esprit. L’apprentissage du ’ōrero en classe ne peut-être une surcharge de travail puisqu’il peut-être réparti dans les heures d’enseignement des langues et de la culture polynésiennes. Il s’inscrit dans une séance d’une demi-heure d’apprentissage et comprend le travail sur la phonologie, le lexique et les structures syntaxiques simples. Par ailleurs, le travail et l’évaluation porteront sur la prestation de l’élève en tenant compte de la prononciation, de l’articulation, la fluidité de l’expression mais également de la communication non-verbale, à savoir, la maîtrise du corps, la mise en scène, les déplacements, l’assurance et la confiance en soi ou encore l’apport d’accessoires mais surtout l’originalité de la prestation. A ) Pourquoi travailler le ’ōrero ? Que nous disent les programmes ? 18Dans le premier degré, l’enseignement d’une langue vise prioritairement trois objectifs : - développer chez l’élève les comportements et attitudes indispensables pour l’apprentissage des langues vivantes (curiosité, écoute, attention, mémorisation, confiance en soi dans l’utilisation d’une autre langue) et faciliter ainsi la maîtrise du langage ; - éduquer son oreille aux réalités mélodiques et accentuelles de la langue régionale ; - lui faire acquérir dans cette langue des connaissances et des capacités, prioritairement à l’oral. Cet enseignement tient compte, dans ses objectifs comme dans la méthodologie utilisée, de l’âge des élèves, de leurs capacités cognitives, de leurs centres d’intérêt, de leurs habitudes de travail et des difficultés de la langue étudiée. 18 BO n°9 du 27 septembre 2007 NIVEAU A1 de l’échelle de niveaux du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues.

Direction de l’Enseignement Primaire –Cellule LCP- Enseignants ‘Orero : Rufina Tetumu et Abel Teahua - 13 - Voici pour aider les enseignants, les compétences langagières, culturelles et méthodologiques19 qui ont été identifiées pour favoriser cette pratique dans les classes. Compétences en fin de cycle 1 p16 / p17 Objectif majeur : Maîtrise du langage oral Compétences langagières - Rythmer un texte en scandant les syllabes orales - Reconnaître une même syllabe orale dans plusieurs énoncés - Produire des assonances ou des rimes (répétition de la voyelle accentuée à la fin de chaque vers) Compétences culturelles - Se situer par rapport aux autres membres de la famille (parents, appartenance à une même fratrie) - Connaître quelques onomatopées et interjections (exprimer la joie, la douleur, l’approbation, la gêne, …) - Connaître quelques mimiques et gestuelles Compétences cognitives et méthodologiques - Etre attentif et se concentrer - Mémoriser Compétences en fin de cycle 2 p 46 / p 47 Compétences langagières - Identifier les personnages d’une histoire, les caractériser physiquement et moralement (Fa’ateni / Fa’atara ) - Mémoriser et réciter chaque année (5) textes simples ( récits / poèmes / énoncés / chants / comptines) - Identifier les phonèmes qui composent un mot entendu - Lire à haute voix un cours passage en respectant les groupes de souffle et la prosodie de la langue Compétences culturelles - Se situer par rapport aux autres membres de la famille (parents, grands-parents, nommer les différents membres de la fratrie – la généalogie ) Papara’a tupuna - Nommer les villages, les communes, les îles environnantes (Paripari fenua) - Nommer les différentes parties du paysage ( terre/mer, rivière, montagne, plateau, plaine, récif… ) - Citer quelques toponymes de son île et les situer sur une carte simple (paripari fenua) - Dire quelques devinettes et dictons traditionnels (piri, parau pa’ari) - Connaître quelques personnages ayant marqué l’île, le pays ( fa’ateni ) Compétences cognitives et méthodologiques - Développer chez l’élève les comportements indispensables pour l’apprentissage des langues régionales (curiosité, écoute, attention, mémorisation, confiance en soi dans l’utilisation d’une autre langue) - Eduquer son oreille à des réalités mélodiques et accentuelles d’une langue nouvelle - Acquérir une conscience phonologique puis phonémique Compétences en fin de cycle 3 p.72 / p73 Compétences langagières - Restituer des poèmes, des chants, des dialogues mémorisés - Citer et comparer quelques expressions usuelles dans les autres langues polynésiennes (salutations, remerciements) - Représenter en respectant les schémas prosodiques (assertion positive, négative, interrogation, injonction) et en variant le rythme et le débit, des actions, des événements, des activités, des états, des situations. Compétences culturelles - Se situer par rapport aux autres membres de la famille (parents, grands-parents, nommer les différents membres de la fratrie – la généalogie) Papara’a tupuna - Citer et expliquer quelques proverbes, dictons et aphorismes - Raconter quelques récits qui expliquent le monde, l’état des choses et la société polynésienne - Citer quelques métaphores et euphémismes courants de la langue - Expliquer l’origine des principaux toponymes et les situer sur la carte Compétences cognitives et méthodologiques - Développer chez l’élève les comportements indispensables pour l’apprentissage des langues régionales (curiosité, écoute, attention, mémorisation, confiance en soi dans l’utilisation d’une autre langue) - Eduquer son oreille à des réalités mélodiques et accentuelles d’une langue nouvelle - Acquérir une conscience phonologique puis phonémique. 19 Nouveaux Programmes de l’école primaire 2006

Direction de l’Enseignement Primaire –Cellule LCP- Enseignants ‘Orero : Rufina Tetumu et Abel Teahua - 14 - B ) Rôle et place du maître dans le ’ōrero. Le ’ōrero n’est pas un exercice aisé dans la mesure où c’est un acte inhabituel et de surcroît face à un public. Les élèves ont honte de parler ou ont peur de parler car ils appréhendent les remarques ou les moqueries des camarades d’où le rôle primordial du maître qui devrait consister à instaurer un climat de confiance et de respect. Il se doit de féliciter, de valoriser, de rassurer ses élèves. Mettre en place une pratique régulière du ’ōrero et une confrontation à divers publics, ne serait-ce qu’au sein de son école, favorise l’émancipation des élèves. De plus, la multiplication des activités de poésie, de dramatisation (saynètes, pièces théâtrales), largement développées en français par ailleurs, doit concourrir à apporter aisance et confiance en soi. Il serait souhaitable, lors de la séance de déclamation, et dans la mesure des possibilités de l’école, de l’exécuter dans une salle autre que la classe (salle d’évolution, salle de reo tahiti ou à l’extérieur), loin du « cadre scolaire ». Allier le « parler juste » au geste et à l’occupation de l’espace, est un signe de maîtrise du ’ōrero, mais cela reste insuffisant. En effet, pour captiver, pour charmer l’auditoire, le ti’a ’ōrero doit partager sa sensibilité, ses émotions. Dès lors, il devient l’instrument de la tradition orale. C ) Quelques conseils pratiques - Identifier et rencontrer les personnes-ressources détenteurs de savoirs ancestraux (associations culturelles, matahiapo, parents…) de la commune où se situe l’école. Leur demander le paripari fenua ainsi que les explications voire même les impliquer dans la démarche est une manière de leur montrer du respect et de l’humilité. - Consulter au moins deux ouvrages de référence « Tahiti aux temps anciens » de Teuira Henry et « Langue et société » de Vonnick Bodin ; pour aider les maîtres dans leurs recherches. - Constituer un dossier-école dans lequel seront répertoriés tous les textes relatifs à la commune (paripari fenua, fa’ateni, fa’atara, ’a’ai, pehepehe, hīmene…). - Déclamer de toute son âme en introduction de la première séance. Le maître aura au préalable mémorisé son paripari fenua, soigné sa prosodie, sa gestuelle et ses déplacements. « Le maître est le modèle de ses élèves ». - Afficher le paripari fenua au tableau après avoir vérifié la graphie utilisée. - Afficher en complément la carte de la commune pour faciliter d’abord la compréhension du paripari fenua et la localisation des éléments du relief (les limites de la commune, la montagne, le terrain de réunion…) puis la mémorisation. Cette carte répertoriera les anciens toponymes de la commune mais aussi les toponymes en usage aujourd’hui. - Pour la préparation à la déclamation : o S’assurer que les élèves ont mémorisé leur discours : le support- texte doit être absent lors de la déclamation. o Convenir avec la direction du choix d’un local, au sein de l’école à aménager, réservé en priorité au reo mā’ohi. Les séances de déclamation pourront s’y dérouler. Si, par manque de locaux cela ne pouvait se réaliser, utiliser la salle d’évolution ou d’expression corporelle. On peut également utiliser le préau ou tout simplement la cour de récréation. Ceci, dans le seul but de favoriser une certaine liberté de l’esprit c’est-à-dire faire abstraction du cadre classe, de son atmosphère. o Scinder la classe en deux groupes (10 à 15 au maximum) en fonction de l’effectif. Il est préférable de travailler avec un nombre réduit d’élèves pour être efficace. On privilégiera ce fonctionnement lors de la séance de déclamation : un groupe travaillera en toute autonomie (des activités d’écriture) pendant que l’autre sera animé par le maître. o Démarrer la séance de déclamation par un exercice « d’échauffement ». Il consiste à faire vivre aux élèves des situations ou des activités ayant du sens à leurs yeux, suscitant leur participation active : ils en sont les acteurs Ces moments favorisent les interactions et l’entraide dans le groupe et développent l’écoute mutuelle. Ils font appel aux acquis des élèves, c’est le cas par exemple des activités ritualisées. o Proposer ou demander aux élèves de trouver les gestes et les mouvements nécessaires sans excès. « Il y a un juste milieu à trouver entre la mise en scène et la parole ». C’est un moment privilégié pour développer l’imagination des élèves. o Exécuter des gestes amples plus ou moins vifs. o Ne pas hésiter à mettre une intonation forte pour insister sur certains mots ou expressions, ou à murmurer les mots quand le contexte s’y prête.

Direction de l’Enseignement Primaire –Cellule LCP- Enseignants ‘Orero : Rufina Tetumu et Abel Teahua - 15 - o Gérer l’espace dans lequel l’élève est amené à évoluer. Il doit être libre de bouger, de se déplacer ou encore de rester immobile s’il le désire. o Parler avec justesse. Toute parole doit être contrôlable, toute récitation infaillible. o User à bon escient du timbre de la voix, des soupirs et des silences. o Faire partager ses émotions à son auditoire par l’expression du visage, par les mimiques. C’est un message que l’on veut transmettre au public à travers le discours. o Utiliser des accessoires (feuille de ’auti, de ’ape, de bananier, lance…) o Multiplier les situations suscitant une participation active de la part des élèves (saynètes, pièces de théâtre, animation, dramatisation). o Varier le genre de public lors des prestations. C’est à l’école que l’on trouve cette variété de publics, de la maternelle à l’élémentaire. S’accorder avec les collègues quant au moment approprié pour présenter les prestations. o Soigner la tenue vestimentaire. Les filles porteront un pāreu (paréo) en coton ou une robe « mūmū », dite robe missionnaire. Elles seront coiffées d’une couronne de ‘auti ou d’un chapeau. Autour du cou, une couronne de ’auti suffira. Les garçons pourront être vêtus d’un pāreu attaché en long ou en pans ou bien porteront un pantalon et une chemise polynésienne ou une tenue végétale. o Travailler la déclamation en articulant parfaitement, en prononçant clairement et en disant juste. I ) Analyse des interventions dans les écoles Nos interventions dans les écoles de Tahiti ont pu s’effectuer sur demande préalable des écoles ou des circonscriptions. Notre fonctionnement a été largement diffusé. Il consistait à faire des séances dans les classes, en partenariat avec le maître titulaire choisi pour son implication dans les séances de reo tahiti. La répartition de ces séances avait été pensée de la manière suivante (cf tableau) : 1ère séance Faite par les enseignants ’ōrero et remise de la séquence 2è séance Faite par le maître titulaire : la préparation de cette séance peut se faire avec l’aide des enseignants ’ōrero 3è séance Faite par le maître titulaire 4è séance Faite par le maître titulaire et l’(les) enseignant(s) ’ōrero pour la déclamation En aucun cas, les maîtres ’ōrero ne doivent se substituer au titulaire de la classe dans la mise en œuvre de toutes les séances. L’objectif principal de cette démarche étant de tendre vers une certaine autonomie des maîtres, qui, à leur tour seraient des référents ’ōrero dans leur école. Force est de constater que ce fonctionnement n’a pas toujours été suivi : il nous arrivait souvent d’entamer et de finir toutes les séances. Les interventions depuis Janvier 2008 Ecoles Classes Circonscriptions Taimoana (Papeete) CP / CE2 / CM1 / CM2 Paofai (Papeete) CM2 Inspection n°4 : Papeete To’ata (Papeete) CE2 Tutera’i tane (Pirae) CM1 Inspection n°2 : ENMPF - Ecoles d’application Nahoata (Pirae) CE1 / CM2 Ahutoru (Arue) CE1 / CE2 / CM1 / CM2 / classe de perfectionnement Inspection n°3 : Pirae – Arue Maeha’a nui (Punaauia) CE2 / CM2 Manotahi (Punaauia) CE2 / CM2 / classe de perfectionnement Punavai Plaine (Punaauia) CE2 / CM1 / CM2 Prison de Nu’utania (Faaa) 8 détenus mineurs ou jeunes adultes Inspection n°8 : Faaa - Punaauia Mara’a (Paea) CE2 / CM1

Direction de l’Enseignement Primaire –Cellule LCP- Enseignants ‘Orero : Rufina Tetumu et Abel Teahua - 16 - Vaiatu (Paea) CE2 / CM1 / CM2 Ti’apa (Paea) CE2 / CM1 / CM2 Ti’ama’o (Papara) CE2 / CM1 / CM2 Apea (Papara) CM1 Inspection n°7 : Paea – Papara – Teva i Uta Mamu (Papeno’o) CE2 / CM2 Faretai (Mahaena) CE2/CM1 et CM1/CM2 Inspection n°14 : CRDP / Hitia’a o te ra Hélène Aufray (Pueu) CM2 Ahototeina (Teahupoo) CE2 / CM1 / CM2 Poti’i (Vaira’o) CE2 / CM1 Inspection n°1 : Taiarapu / Australes Teavaro (Moorea) CE2 / CM1 / CM2 Ma’atea (Moorea) CM1 Afareaitu (Moorea) CM1 Ha’apiti (Moorea) CM2 CJA Vai’are (Moorea) 1ère et 2è année Paopao (Moorea) Ceé / CM1 / classe de perfectionnement Papeto’ai (Moorea) CE2 / CM2 Inspection n°10 : Moorea Nos interventions dans les écoles nous ont permis de distinguer trois catégories de maîtres : ceux qui ne maîtrisent pas du tout la langue et ne la comprennent pas, ceux qui comprennent mais ne la pratiquent pas et enfin ceux qui parlent couramment. Il est important de rappeler aux enseignants que le Ministère de l’éducation et de l’Enseignement supérieur à travers les programmes du 04 juillet 1996 et ceux d’août 2006 fait de la pratique et de l’enseignement des langues polynésiennes une de ses priorités. Les horaires sont précisés sur la base de la semaine (nouveaux programmes de l’école primaire de 2006 : p35 et p65) comme suit : 2h 40mn au minimum et 5h au maximum (5h sur projet d’école). Sur la base d’un temps horaire hebdomadaire de 2h 40mn, il est préconisé 1h de langue enseignée (travail sur la langue : énoncés linguistiques, activités phonologiques…) et 1h 40mn de langue d’enseignement (utilisation de la langue dans les autres disciplines). L’un des gages de la réussite se situe dans la régularité avec laquelle ces activités sont menées en langue polynésienne. Valorisons par notre pratique, nos langues régionales pour la réussite scolaire de nos enfants.

Direction de l’Enseignement Primaire –Cellule LCP- Enseignants ‘Orero : Rufina Tetumu et Abel Teahua - 17 - 3 – Les instruments d’accompagnement SYMBOLIQUE DU PŪ, DU VIVO ET DU PAHU20 Le pū, le vivo et le pahu sont des instruments dont la présence ancestrale dans le monde polynésien est attestée par les orateurs, les conteurs, les récits des voyageurs et par les gravures anciennes. De plus, ils possèdent des fonctions particulières dans l’organisation sociale, politique et religieuse spécifique à chaque île. Si le pū et le pahu sont encore présents dans les esprits, le vivo a connu une période d’abandon très marquée. LE PŪ : Le terme désigne en tahitien, tous les coquillages de la famille des gastéropodes (de grande taille). Il peut également signifier tout instrument de la famille des cuivres. Le pū peut prendre, dans les temps anciens, de multiples formes ; on peut les répartir en quatre catégories : le pū (triton), le pū ’ōfa’i ( pū en pierre ) instrument représentatif de Rapa Nui ( Île de Pâques ), le pū ra’au ( pū en bois ), de conception marquisienne et le pū ’ofe ( pū en bambou ). Symbolique de l’instrument : Le pū est un instrument qui rassemble, qui appelle, qui prévient. Il représente le souffle créateur qui rassemble les éléments, il serait en ce sens la vie. Le pū, enfin c’est le verbe, l’instrument qui transmet un message. Ces trois éléments montrent à quel point cet instrument est essentiel pour comprendre le rapport qui existe entre l’homme polynésien et la musique. L es instruments traditionnels sont l’essence même de l’être humain. Le souffle : c’est la vie ; le verbe : c’est la parole, le message. Dans une civilisation de tradition orale, cet aspect prend toute sa valeur. LE VIVO : Le vivo est de nos jours quelque peu laissé pour compte. Nombre de Polynésiens ne savent pas toujours, soit, à quoi correspond ce terme, soit, ignorent comment confectionner puis jouer l’instrument. Cependant, de nos jours le vivo réapparaît dans les fêtes du Tiurai. Le vivo est une flûte, construite dans un ’ofe (bambou) : il s’agit d’une flûte nasale. Le nombre de trous est restreint et l’étendue de l’instrument limitée (un nombre assez faible de notes peut être joué). Le musicien qui jouait du vivo soufflait dans l’instrument par une narine tout en bouchant de l’index l’autre narine. Le nombre limité d’ouvertures peut être expliqué par le jeu nasal : une main est sollicitée pour boucher la narine qui n’intervient pas dans la technique de jeu. Outre le ’ofe, d’autres bois peuvent être utilisés. L’instrument était confectionné en fonction de la hauteur de la voix du musicien. C’était un instrument personnel. Chaque musicien fabriquait son propre instrument. Symbolique de l’instrument : Les anciens Polynésiens jouaient du vivo sur les marae. Cet instrument avait une fonction d’appel, plus précisément, d’appel des Dieux. L’écoute de la nature était un véritable guide pour les musiciens : vent, rivière, oiseaux,…. L’instrument est souvent associé au chant des oiseaux pour sa sonorité et le type de mélodies qu’il engendre. Sa fonction était d’embellir les chants anciens et d’adoucir les pensées, mais aussi, celle de soutenir les récitations. Le vivo est un instrument qui interpelle le monde de l’âme ; sa musique est essentiellement intérieure. Elle constitue un rappel des origines (Havaiki), du souffle originel. C’est également un instrument qui envoûte et est donc très lié aux notions de sensualité et d’attirance. Les hommes jouaient du vivo pour exprimer et convaincre de leur amour la femme désirée. LE PAHU : Le tambour à membrane est universel. Aux temps anciens, cet instrument était utilisé dans toute la Polynésie centrale. (Cook, Société, Australes, Marquises, Ma’areva) Le pahu, est construit d’une seule pièce de bois ; il est taillée dans un tronc d’arbre et évidée par une seule ou par les deux extrémités. Souvent, la base est également creusée et ajourée et constitue un piédestal de hauteur variable par rapport au reste du tambour. Chaque musicien se devait de fabriquer son propre tambour car le pahu doit être ajusté à la hauteur la plus confortable de l’utilisateur. En effet, il faut que le joueur de pahu puisse sentir au niveau du ventre les vibrations de son instrument. Dans certaines régions comme les Australes mais aussi lors de cérémonies sur le marae, les pahu sont hauts et effilés. C’est au niveau du visage que le joueur de pahu ressentait les vibrations. En principe, l’instrument est toujours frappé avec les mains. Symbolique de l’instrument : Le pahu, c’est le battement du cœur, le rythme originel, celui de la création. Son usage est destiné à rythmer les événements de la vie quotidienne, (Naissance, guerre, intronisation, les différents cycles de la vie, le cycle solaire) mais avait aussi aux temps anciens une fonction sociale, et était même un instrument de pouvoir. 20 Extrait du document TAVEVOVEVO de Heipua BORDES et Eric MICHON, CRDP.

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