Etude-comparative-ATEM-tome2

Tome II Florent ATEM Carole ATEM Félix ATEM Ministère de la culture, de l’environnement et des ressources marines, en charge de l’artisanat Ministère de l’éducation et de la modernisation de l’administration, en charge du numérique ÉLÉMENTS POUR UNE ÉTUDE COMPARATIVE DU TAHITIEN, DU FRANÇAIS ET DE L’ANGLAIS

Direction générale de l’éducation et des enseignements Ministère de l’éducation et de la modernisation de l’administration, en charge du numérique Polynésie française ©MEA DGEE/MCE 2023 www.education.pf ÉLÉMENTS POUR UNE ÉTUDE COMPARATIVE DU TAHITIEN, DU FRANÇAIS ET DE L’ANGLAIS Tome II Florent ATEM Carole ATEM Félix ATEM

Équipe de recherches : Florent ATEM, Maître de conférences à l’Université de la Polynésie française, Agrégé d’anglais, docteur en études anglophones. Carole ATEM, Maître de conférences à l’Université INSPÉ de la Polynésie française, Agrégée de lettres modernes, docteur en langue et littérature françaises. Dr Félix ATEM, Maître de conférences en anglais, Retraité de l’Université de la Polynésie française, Responsable des enseignements de linguistique anglaise. ÉLÉMENTS POUR UNE ÉTUDE COMPARATIVE DU TAHITIEN, DU FRANÇAIS ET DE L’ANGLAIS Tome II Assertion, thématisation, modalité, énoncés complexes

Réalisation de la maquette par la DGEE : Bureau de la Production édition et média Département de l’informatique et du numérique éducatif Infographie et mise en page : Mairenui LEONTIEFF Couverture : Heinui LE CAILL Coordination de l’édition : Mairenui LEONTIEFF, cheffe de bureau BPEM Directeur de publication : Éric TOURNIER, directeur général de la DGEE Réf. PI 23003 ISBN : 978 2 37317 141 9 (version imprimée) ISBN : 978 2 37317 142 6 (version numérique) www.ebooks.education.pf

5 Le tome II de l’ouvrage Éléments pour une étude comparative du tahitien, du français et de l’anglais ne dément pas les qualités que l’on trouvait dans le tome I, notamment, le souci de clarté au public auquel il s’adresse. La méthode comparative présentée dans le premier tome s’ouvre cette fois sur des phénomènes prédicatifs plus vastes, qui impliquent des opérations énonciatives telles que l’assertion, la thématisation, la modalité, ainsi que ceux qui concernent les énoncés complexes impliquant des opérations qui portent sur plus d’une relation prédicative. Les auteurs prennent cette fois encore leurs distances avec une simple juxtaposition des phénomènes de l’anglais et du tahitien. Les énoncés produits ne consistent pas non plus pour ces domaines en un simple jeu d’étiquettes ou de marqueurs dotés d’un sens figé. Par ailleurs, la formation des auteurs leur permet de présenter des catégories majeures des deux langues en tenant compte des spécificités de chacune ainsi que de la complexité qui les caractérise, tout en préservant la cohérence des enchaînements d’opérations fondamentale qui les motive. Ce qui contribue à apporter une aide certaine à l’apprenant en l’encourageant à retrouver sous la séquence constitutive, et parfois dans la ligne mélodique des énoncés complexes, les conduites qui lui permettront non seulement de mieux identifier les suites qui lui sont adressées mais également d’en produire à son tour qui faciliteront leur interprétation appropriée. Comme dans le tome I, les lecteurs de l’ouvrage sont assurés de disposer d’une méthode personnelle de compréhension et d’acquisition dans les deux langues. Claude M. DELMAS Professeur de linguistique anglaise à l’université Paris 3, Sorbonne Nouvelle Directeur de l’UFR du Monde Anglophone Président de l’Association des Linguistes Anglicistes de l’Enseignement Supérieur Membre des jurys de l’Agrégation et du CAPES externes d’anglais Auteur de nombreux ouvrages de linguistique anglaise PRÉFACE

6 Dans le droit fil de l’ouvrage intitulé Éléments pour une étude comparative du tahitien, du français et de l’anglais, Florent, Carole et Félix Atem, linguistes bien connus en Polynésie française, récidivent avec le tome II, Éléments pour une étude comparative du tahitien, du français et de l’anglais. Assertion, thématisation, modalité, énoncés complexes. Le ton est donné. Tout en restant dans une approche comparative entre le tahitien, le français et l’anglais, ils approfondissent les apports linguistiques. Les lecteurs, notamment les enseignants d’anglais, de français et de tahitien, trouveront dans cet ouvrage les éléments leur permettant d’enrichir leurs connaissances et de parfaire leur ensei gnement. À l’instar du premier, cet ouvrage constitue une référence pour les enseignants du premier comme du second degré. Que les auteurs en soient à nouveau vivement remerciés. Māuruuru ā. Christelle LEHARTEL LE MOT DE LA MINISTRE de l’éducation et de la modernisation de l’administration, en charge du numérique

7 Alors que dans le premier tome de leur étude comparative du tahitien, du français et de l’anglais, les trois co auteurs, Florent, Carole et Félix Atem, ont abordé l’étude de la détermination nominale et du système verbal, ils consacrent ce deuxième ouvrage, toujours du point de vue comparatif, à l’étude de phénomènes prédicatifs plus larges, comme l’assertion, la thématisation, la modalisation, ou encore la construction des énoncés complexes. Dans ce deuxième tome, la démarche des trois chercheurs vise le même objectif : contribuer à placer le tahitien au même niveau que toutes les autres langues, en démontrant la présence, dans ces trois langues importantes en usage en Polynésie française, des mêmes opérations énonciatives, dans le cadre de la théorie élaborée par le linguiste Antoine Culioli. À travers ce second volet de leur étude comparative, les trois co auteurs ont, de nouveau, souhaité proposer, notamment aux enseignants de langues, une approche alternative à celle de la grammaire dite « traditionnelle », en soulignant les invariants qui caractérisent le fonctionnement des langues tahitienne, française et anglaise. Māuruuru maita’i ! Heremoana MAAMAATUAIAHUTAPU LE MOT DU MINISTRE de la culture, de l’environnement et des ressources marines, en charge de l’artisanat

8 En 2019, a paru le premier tome de l’ouvrage Éléments pour une étude comparative du tahitien, du français et de l’anglais, comportant les résultats d’un travail mené suivant la Théorie des opérations énonciatives du linguiste Antoine Culioli. L’Académie tahitienne Fare Vāna’a avait salué cette étude exceptionnelle réalisée par trois Maîtres de conférences à l’Université de la Polynésie française, des membres autre fait exceptionnel d’une même famille du fenua : le fils, Florent Atem, Maître de conférences à l’Université de la Polynésie française, agrégé d’anglais, option Linguistique, Docteur en études anglophones, spécialiste de civilisation américaine ; la fille, Carole Atem, Maître de conférences à l’Université de la Polynésie française, agrégée de lettres, Docteur en langue et littérature françaises, spécialiste de la littérature française du Moyen Âge ; et le père, Félix Atem, Maître de conférences en anglais, responsable des enseignements de linguistique anglaise, retraité de l’Université de la Polynésie française. En 2023, l’Académie tahitienne Fare Vāna’a est honorée et heureuse d’exprimer à nouveau à ces trois auteurs, sa fierté, son admiration, et sa reconnaissance pour la mise à la disposition de tous, de la suite de leurs remarquables travaux publiés dans ce second tome de leur ouvrage Éléments pour une étude comparative du tahitien, du français et de l’anglais, et dont tout apprenant étudiant, enseignant, ou non tirera profit. Ces travaux, appuyés en ce qui concerne le tahitien sur la grammaire éditée par l’Académie tahitienne, intéressent au plus haut point notre institution culturelle, car il s’agit de la langue tahitienne comparée à deux autres langues, l’anglais et le français, avec lesquelles la société tahitienne a été en contact permanent, ce qui est encore le cas aujourd’hui, et auxquelles elle a été confrontée dans son éducation, dans son histoire et dans son évolution. Une étude comparative entre le tahitien, l’anglais et le français permet une compréhension plus profonde et plus réelle des langues et du langage, et favorise ainsi le passage toujours délicat en raison du risque possible d’une mauvaise interprétation d’une langue à l’autre. S’agissant du tahitien, cette étude fait quitter l’approche superficielle pour plonger dans les entrailles du langage : elle met en évidence les mécanismes profonds et établit que la langue tahitienne est véritablement une langue, universelle, comme toutes les autres. Tē ha’apōpou nei au i nā ’orometua nui, ’orometua tuatoru, E tē ha’amāuruuru maita’i atu nei. Flora Aurima DEVATINE LE MOT DE LA DIRECTRICE DE L’ACADÉMIE TAHITIENNE Fare Vāna’a

9 SOMMAIRE Préface de Claude M. Delmas Mot de la ministre de l’éducation et de la modernisation de l’administration, en charge du numérique Mot du ministre de la culture, de l’environnement et des ressources marines, en charge de l’artisanat Mot de la directrice de l’Académie tahitienne Présentation Indications préliminaires I ‐ ASSERTION 1. Énoncés déclaratifs, énoncés interrogatifs 2. Interro‐négative II ‐ THÉMATISATION III ‐ LA MODALITÉ 1. Généralités 2. Portée de la modalité 3. Les marqueurs de modalité IV ‐ ÉNONCÉS COMPLEXES 1. Généralités 2. Relatives 3. Complétives 4. Questions indirectes 5. Questions indirectes et relatives sans antécédent 6. Interrogatives indirectes 7. Infinitives Sources principales p. 5 p. 6 p. 7 p. 8 p. 11 p. 13 p. 17 p. 17 p. 18 p. 19 p. 23 p. 23 p. 24 p. 25 p. 33 p. 33 p. 33 p. 39 p. 40 p. 40 p. 41 p. 41 p. 45

10 Nous dédions cet ouvrage à Marc Maamaatuaiahutapu, plus connu sous le nom de Maco Tevane, qui a été à l’initiative de cette étude. Premier Directeur de l’Académie tahitienne, Maco Tevane a soutenu et encouragé dès son origine ce projet de recherche consacré à la langue tahitienne et à la réflexion sur sa place parmi les autres langues.

11 PRÉSENTATION En s’appuyant sur la grammaire de l’Académie tahitienne, cette étude comparative du tahitien, du français et de l’anglais, dont le premier tome est paru en 2019, réalise pour la première fois un parallèle entre les trois langues dans la perspective de la Théorie des opérations énonciatives du linguiste Antoine Culioli. Dans la continuité de la première partie, consacrée aux questions de la détermination nominale et du système verbal, ce second volet aborde d’autres opérations énonciatives, dont l’assertion, la thématisation, la modalisation et la construction des énoncés complexes. Comme outil pédagogique, ce travail présente l’intérêt de mettre l’accent sur les invariants et les similitudes de signifiés qui permettent de rapprocher, même entre des groupes linguistiques hétérogènes, les manifestations morphosyntaxiques souvent très diverses qui marquent la réalisation discursive des opérations énonciatives concernées. Cette approche invite enseignants et élèves à adopter un angle d’analyse différent de celui des terminologies traditionnelles, en allant au delà de la disparité éventuelle des formes grammaticales. Sur le plan culturel, outre la mise en évidence de fonctionnements communs, au niveau des opérations énonciatives, entre le tahitien et les deux langues exogènes, fortement présentes en Polynésie française, que constituent le français et l’anglais, la présente étude tend à montrer la complexité des structures de la langue tahitienne et s’inscrit ainsi dans une démarche de (re)valorisation des langues autochtones. Indirectement, en mettant en jeu les représentations affectives de ces langues chez les différents locuteurs impliqués, ces recherches visent aussi des objectifs en matière de sécurisation linguistique et culturelle auprès des apprenants de la Polynésie française contemporaine.

13 INDICATIONS PRÉLIMINAIRES Dans le tome premier de notre ouvrage, Éléments pour une étude comparative du tahitien, du français et de l’anglais, nous avons présenté la Théorie des opérations énonciatives comme étant caractérisée par une série d’opérations mentales effectuées sur les différents constituants d’une relation prédicative. À la base de tout énoncé, une relation prédicative comporte des arguments (généralement des noms ou pronoms) et un prédicat, qui apparaît dans l’énoncé sous la forme d’un verbe et dont le rôle est de mettre en relation les différents arguments. Outre l’opération de détermination effectuée sur le nom et l’opération de repérage par rapport à la situation d’énonciation de la relation prédicative, qui peut être translatée (appartenir au passé) ou non translatée (située dans le présent), il existe d’autres opérations qui permettent de comprendre la nature des énoncés produits. Nous retiendrons, entre autres, les opérations d’assertion et de thématisation. En ce qui concerne l’étude de la modalité, nous avons apporté une modification dans notre démarche comparative, en partant cette fois de l’anglais, compte tenu de la richesse des marqueurs des opérations de modalisation dans la langue anglo saxonne. Enfin, ce volume s’achève par une analyse de différents types d’énoncés complexes, c’est à dire d’énoncés dont la construction fait intervenir plus d’une relation prédi cative. Parmi ceux ci, nous retiendrons les relatives, les complétives, les questions indirectes, les relatives sans antécédent, les interrogatives indirectes et les infinitives.

PREMIÈRE PARTIE ASSERTION ET THÉMATISATION

17 I ‐ ASSERTION 1. ÉNONCÉS DÉCLARATIFS, ÉNONCÉS INTERROGATIFS ’Ua tanu ’o Tihoni i te hō’ē tumu rā’au i pīha’i iho i tōna fare. Jean a planté un arbre près de sa maison. John has planted a tree near his house. ’Aita ’o Tihoni i tanu i te hō’ē tumu rā’au i pīha’i iho i tōna fare. Jean n’a pas planté d’arbre près de sa maison. John has not planted a tree near his house. ’Ua tanu anei ’o Tihoni i te hō’ē tumu rā’au i piha’i iho i tōna fare ? Jean a t il planté un arbre près de sa maison ? Has John planted a tree near his house? Ces trois énoncés sont construits à partir de la même relation prédicative : < TIHONI, TANU, TUMU RĀ’AU > < JEAN, PLANTER, ARBRE > < JOHN, PLANT, TREE > Cependant, ils présentent des différences au niveau syntaxique : le premier énoncé est une phrase déclarative affirmative, le deuxième énoncé est une phrase déclarative négative avec la présence de la négation ’AITA/NE … PAS/NOT alors que le troisième énoncé est une phrase interrogative avec l’inversion du sujet et de l’auxiliaire en anglais et en français et la présence de la particule interrogative ANEI en tahitien, toutes ces phrases interrogatives se terminant par un point d’interrogation. Le point commun entre ces énoncés est qu’ils sont tous les trois la trace d’un travail énonciatif sur l’assertion. L’assertion renvoie à une version de la relation prédicative qui, selon l’énonciateur, est « conforme (assertion affirmative) ou non conforme (assertion négative) à ce qu’il considère comme un fait avéré », c’est à dire que l’énonciateur prédique ce qui, « selon lui, […] "est ou n’est pas le cas". » (Groussier & Rivière, 1996, p. 21). Dans cette perspective, pour l’interrogative, il s’agit donc d’un « parcours des deux choix possibles sans pouvoir s’arrêter à aucun. » (Ibid., p. 109). L’opération assertive effectuée sur la relation prédicative < JEAN, PLANTER, ARBRE >, qui sous tend les énoncés 1, 2 et 3, consiste, dans les deux premiers, à attribuer à la relation prédicative l’une des deux valeurs possibles d’une relation prédicative : la valeur positive P dans l’exemple 1, d’où la présence d’une phrase déclarative affirmative ; la valeur négative NOT P dans l’exemple 2, d’où la phrase déclarative négative. 1 2 3

18 Par contre, dans le troisième énoncé, l’énonciateur, s’avérant incapable de choisir entre les deux valeurs, va proposer au co‐énonciateur les deux valeurs possibles et lui demander de choisir entre P (valeur affirmative) et NOT P (valeur négative). 2. INTERRO‐NÉGATIVE Il est cependant possible de trouver dans un même énoncé la forme interrogative associée à la forme négative : ’Aita anei tō ’oe nā metua i ’ōpua e ho’o mai i te hō’ē pere’o’o ’āpī i teie matahiti ? Tes parents n’ont ils pas envisagé d’acheter une voiture neuve cette année ? Haven’t your parents decided to buy a new car this year? Cet énoncé, qui est une phrase interro‐négative, ne consiste aucunement en une simple juxtaposition de l’interrogation et de la négation. Un énoncé interro négatif est la trace, le résultat d’une opération assertive bien distincte qui consiste à nier, à refuser explicitement la valeur négative NOT P de la relation prédicative et poser la valeur positive P. L’emploi d’une phrase interro négative implique donc que l’énonciateur exclut la valeur négative et demande au co énonciateur de confirmer cette prise de position et de ne retenir que la valeur positive. Ainsi, énoncer : ’Aita anei ’oe i fārerei ia Tihoni inanahi rā ? N’as tu pas rencontré Jean hier ? Didn’t you meet John yesterday? c’est mettre en doute : < ’AITA I FĀREREI IA TIHONI > < PAS RENCONTRER JEAN > < NOT MEET JOHN > et demander de confirmer : < FĀREREI IA TIHONI > < RENCONTRER JEAN > < MEET JOHN > 4 5

19 II ‐ THÉMATISATION ’Ua tātā’i te mau rave ’ohipa i te fare. Les ouvriers ont réparé la maison. The workers have repaired the house. ’Ua tātā’ihia te fare e te mau rave ’ohipa. La maison a été réparée par les ouvriers. The house has been repaired by the workers. Ces deux énoncés sont constitués de la même relation prédicative : < RAVE ’OHIPA, TĀTĀ’I, FARE > < OUVRIER, RÉPARER, MAISON > < WORKER, REPAIR, HOUSE > Si, au niveau syntaxique, l’ordre des éléments est différent puisque, dans le premier énoncé, on a : < OUVRIER, RÉPARER, MAISON > et dans le deuxième énoncé : < MAISON, RÉPARER, OUVRIER >, au niveau sémantique, OUVRIER reste l’agent, RÉPARER le procès et MAISON l’objet. La différence de la structure syntaxique dans les énoncés 1 et 2 provient du fait que dans chacun de ces énoncés, le terme thématisé n’est pas le même. Thématiser un terme dans un énoncé c’est prendre ce terme comme repère, comme point de départ de l’énoncé. Dans l’énoncé 1, on commence par parler des « ouvriers », alors que dans le deuxième énoncé on parle de la « maison » pour dire ce qui lui est arrivé (« réparée »). Cette opération qui consiste à choisir le terme de départ d’un énoncé s’appelle l’opération de thématisation, désignée traditionnellement par le terme de « passivation ». L’énoncé 2 est ce qu’on appelle une phrase passive. Le choix de cette construction passive se justifie par la non spécification, c’est à dire l’absence, de l’agent (énoncé 3) ou l’indétermination de celuici (énoncé 4) : ’Ua tātā’ihia te fare. La maison a été réparée. The house has been repaired. 1 2 3

20 E ta’ata tei tātā’i i te fare. Quelqu’un a réparé la maison. Someone has repaired the house. Il est à noter que dans la construction passive, il est possible de faire réapparaître l’agent non spécifié, à l’aide d’une opération de double thématisation pour le mettre particulièrement en valeur. En anglais, l’agent est dans ce cas introduit par la préposition BY pour un agent animé et WITH s’il s’agit d’un inanimé : ’Ua tātā’ihia te fare nā te mau / e te mau rave ’ohipa. La maison a été réparée par les ouvriers. The house has been repaired by the workers. ’Ua ’ī roa te ’āua i te rau’ere marō. La cour est recouverte de feuilles mortes. The garden is covered with dead leaves. 4 5 6

DEUXIÈME PARTIE LA MODALITÉ

23 III ‐ LA MODALITÉ 1. GÉNÉRALITÉS 1. Jean a acheté une voiture hier. 2. Jean n’a pas acheté de voiture hier. Dans l’énoncé 1, la relation prédicative actualisée, c’est à dire validée, vraie est : < JEAN, ACHETER, VOITURE >. Par contre, dans l’exemple 2, la relation prédicative actualisée, validée est : < JEAN, PAS ACHETER, VOITURE >. Dans le premier exemple, l’énonciateur attribue à la relation prédicative la valeur positive, d’où un énoncé déclaratif affirmatif, alors que dans le deuxième exemple, il attribue à la relation prédicative la valeur négative, d’où un énoncé déclaratif négatif. Une relation prédicative a en effet deux valeurs, positive ou négative, et l’énonciateur doit, lorsqu’il produit un énoncé, choisir l’une des deux valeurs. Il place ainsi son énoncé dans le domaine modal du certain. Dans le domaine modal du certain, l’énonciateur fait référence à ce qui est factuel, à des faits contemporains de l’énonciation (actuels, de l’anglais « actual ») ou antérieurs au moment de l’énonciation (révolus). 3. Jean souhaitait changer de voiture. Il a dû acheter une voiture neuve hier. Dans la deuxième partie de l’exemple 3, l’énonciateur ne peut pas choisir entre la valeur positive ou négative de la relation prédicative, < JEAN, ACHETER, VOITURE > ou < JEAN, PAS ACHETER, VOITURE >. Il ne fait que dire ce qu’il pense de la relation prédicative < JEAN, ACHETER, VOITURE >. La présence dans son énoncé du verbe « devoir » (« il a dû ») implique l’introduction d’une modalité. Son énoncé est de ce fait situé dans le domaine modal du hors certain. Dans le domaine modal du hors certain, l’énonciateur considère la relation prédicative comme non encore validée, mais validable, susceptible de devenir un fait sous certaines conditions. Ce domaine modal englobe la projection dans l’avenir, le possible et la probabilité, de même que la volonté, les modalités de contrainte (obligation, nécessité) ou de propriétés du sujet (capacité, latitude, permission). La modalité se définit ainsi comme une prise de position de l’énonciateur concernant le degré de certitude qu’il attribue à l’actualisation de la relation prédicative. Autrement dit, il évalue les chances pour que la relation prédicative soit actualisée, validée, ce qui pourrait s’exprimer par la para phrase : « Il est probable que Jean ait acheté une voiture ». Il émet un « pourcentage » de chances que la relation prédicative a d’être actualisée, pourcentage qui serait moindre s’il disait : « Il se peut que Jean ait changé de voiture », dont la paraphrase serait « Il est possible que Jean ait changé de voiture » ou « Peut être que Jean a changé de voiture ».

24 C’est du reste ce que l’on trouvait parfois dans certains manuels scolaires d’anglais, où les auxiliaires modaux étaient présentés sous la forme de pourcentages pour illustrer la distance d’un procès par rapport à l’axe d’actualisation : MUST (devoir) = 90 % CAN (pouvoir) = 75 % MAY (peut être) = 50 % MAY CAN MUST Axe d’actualisation Peut être Il se peut Il doit venir. Il est venu / qu’il viendra. qu’il vienne. Il n’est pas venu. 2. PORTÉE DE LA MODALITÉ La modalité peut, en fonction des éléments du contexte, être de deux types, selon sa portée. Elle peut porter sur l’ensemble de la relation prédicative ou impliquer une relation entre les sujets. 4. La voiture de Jean ne marchait plus très bien. Il a dû changer de voiture. 5. Jean peut déplacer ma voiture s’il le souhaite, je ne m’y oppose pas. Dans l’exemple 4, la modalité porte sur l’ensemble de la relation prédicative < JEAN, CHANGER, VOITURE >. L’énonciateur évalue les chances que Jean ait changé de voiture. Cet énoncé est paraphrasable par : « Il est probable que Jean ait changé de voiture ». Dans l’exemple 5, par contre, la modalité implique une relation entre les sujets : le sujet de l’énoncé (ici, Jean) et le sujet énonciateur ou un autre sujet. La relation prédicative < JEAN, DÉPLACER, VOITURE > peut être actualisée parce que le sujet énonciateur (ou un autre sujet) l’accepte, veut bien que Jean la déplace. Il s’agit, dans ce cas, de la relation intersubjective. L’actualisation de la relation prédicative dépend non pas du sujet lui même (Jean), mais de l’énonciateur ou d’un autre sujet, qui lui donne la permission, l’autorisation de… 6. Jean peut déplacer ma voiture, il est capable de déplacer ma voiture puisqu’il sait conduire une voiture. Dans l’exemple 6, il s’agit de la relation intrasubjective, où l’actualisation de la relation prédicative dépend d’une propriété du sujet lui même : ici, le fait que Jean sache conduire une voiture. En résumé, la modalité peut porter sur la relation prédicative dans son ensemble (exemple 4) ou impliquer une relation entre les sujets, c’est à dire entre le sujet énonciateur ou un autre sujet et le sujet de l’énoncé (exemples 5 et 6). Dans le cas où l’actualisation de la relation prédicative est liée à une relation entre les sujets, cette relation peut être de deux types : intersubjective, où l’énonciateur ou un autre sujet agit sur le sujet de l’énoncé : Tu dois me présenter tes excuses, je l’exige. Elle ne peut pas sortir seule, ses parents ne le voudront jamais.

25 ou intrasubjective, où l’énonciateur n’agit pas sur le sujet de l’énoncé mais ne fait que constater chez le sujet une propriété qui lui permet d’actualiser la relation prédicative : Il peut déplacer ce meuble tout seul, il est très fort. Elle voudra partir demain, elle l’a déjà décidé. Ces deux types de relation pourraient être représentés par les schémas : ∫ é S pour la relation intersubjective (exemple 5), ∫ : S é pour la relation intrasubjective (exemple 6). Le symbole « ∫ » renvoie à l’énonciateur tandis que « S » renvoie au sujet de l’énoncé. 3. LES MARQUEURS DE MODALITÉ Dans un énoncé en anglais la modalité se présente sous la forme : d’un marqueur appelé traditionnellement auxiliaire modal : MAY, CAN, MUST, WILL, SHALL, OUGHT TO… d’une paraphrase, appelée également adjectif modal : IT’S POSSIBLE THAT, IT’S PROBABLE THAT, IT’S NECESSARY THAT… d’un adverbe : MAYBE, PERHAPS, POSSIBLY, PROBABLY, NECESSARILY… ou de marqueurs associés à la particule TO : BE ABOUT TO, BE GOING TO, BE TO, HAVE TO… En français, la modalité est rendue par : les verbes « pouvoir » et « devoir » au présent, au passé ou au conditionnel. Elle peut également être exprimée à l’aide : de paraphrases : « Il se peut que », « Il est possible que », « Il est probable que », « Il faut que »… ou d’adverbes : « peut être », « probablement », « certainement »… Dans la langue tahitienne, en l’absence de marqueurs spécifiques, la modalité s’exprime exclusivement au moyen de périphrases. 3.1 ‐ Les auxiliaires modaux Lorsque la modalité porte sur l’ensemble de la relation prédicative, l’énonciateur évalue le degré de certitude concernant l’actualisation de cette relation prédicative dans son ensemble. Ainsi, dans l’énoncé John can come tomorrow, l’énonciateur dit combien, selon lui, il y a de chances que < JOHN, COME TOMORROW > soit actualisé, validé, vrai. On retrouve cette portée avec les auxiliaires modaux MAY, CAN, MUST et WILL. MAY, interprétable comme MAYBE, PERHAPS…

26 He may come to the meeting tonight. E tae mai paha ’ōna i te rurura’a i teie pō. Il viendra peut être à la réunion ce soir. (Peut être qu’il viendra…) (Je l’ai rencontré le mois dernier et je lui ai rappelé notre réunion de ce soir.) CAN, paraphrasable par IT’S POSSIBLE THAT, POSSIBLY… He can come to the meeting tonight. ’Ia mana’o (ana’e) vau / I tō’u mana’o, e tae mai ’ōna i te rurura’a i teie ahiahi. Il se peut qu’il vienne à la réunion ce soir. (À mon avis, il viendra…) (Je l’ai rencontré en début de semaine et je lui ai rappelé notre réunion de ce soir.) MUST, dont la paraphrase serait IT’S PROBABLE THAT, PROBABLY… He must come to the meeting tonight. Mea pāpū (maita’i) / E’ita ’e ’ore, e tae mai iho ā ’ōna i te rurura’a i teie pō. Il doit venir à la réunion ce soir. (C’est sûr qu’il viendra…) (Je l’ai rencontré ce matin et je lui ai rappelé notre réunion de ce soir.) WILL a une valeur de prévision en fonction d’une hypothèse explicite ou implicite : IT’S PREDICTABLE/FORESEEABLE THAT… He will come to the meeting tomorrow. (WILL est dans ce cas inaccentué.) E haere mai ’ōna i te rurura’a ananahi. Il viendra à la réunion demain. Dans le cas où la modalité est liée à une relation entre les sujets (énonciateur, co énonciateur ou un autre sujet), deux cas peuvent se présenter : 1. l’actualisation de la relation prédicative par le sujet de l’énoncé dépend de l’énonciateur ou d’un autre sujet ; 2. l’actualisation de la relation prédicative ne dépend aucunement d’un autre sujet ni de l’énon ciateur ; l’énonciateur ne fait que constater chez le sujet de l’énoncé une propriété qui lui permet d’actualiser la relation prédicative. John is very strong – he can carry that table alone. E ta’ata pūai roa ’o Tihoni. E nehenehe ’ōna e amo i terā ’amura’a mā’a ’ōna ana’e. Jean est très fort, il peut porter cette table tout seul. Dans cet énoncé, l’énonciateur évalue les chances que Jean puisse déplacer la table. Il pense qu’il lui est possible de déplacer la table, ayant les moyens physiques (= une propriété) de le faire. On pourrait paraphraser cet exemple par : John is capable of moving / able to move the table alone. Il s’agit ici d’une relation intrasubjective. John can use my car – I don’t object. E nehenehe ’o Tihoni e rave i tō’u pere’o’o. E fa’ari’i au ’ia rave ’o Tihoni i tō’u pere’o’o. Jean peut utiliser ma voiture, je ne m’y oppose pas. Dans cet exemple, par contre, l’actualisation de la relation prédicative < JEAN, UTILISER, VOITURE > dépend de l’énonciateur puisque c’est lui qui, en ne s’y opposant pas, permet à Jean d’utiliser sa voiture, l’autorise à le faire. On pourrait paraphraser cet exemple par : John is free/allowed to use my car. Il s’agit dans ce cas d’une relation intersubjective. 1 2 3 4 5 6

27 Dans le cas d’une relation intrasubjective, outre le modal CAN, on trouve également les auxiliaires modaux WILL et MUST. Avec CAN, paraphrasable par BE CAPABLE OF suivi de la forme –ING, l’énonciateur constate chez le sujet de l’énoncé une propriété qui lui permet d’actualiser la relation prédicative. Dans les exemples 7, 8, 9 et 10 ci dessous, cette propriété peut correspondre à la force physique (en 7), au degré d’instruction (en 8), à la disponibilité (en 9) voire aux moyens financiers (en 10). He can carry those two tables. He is very strong. E nehenehe ’ōna e amo i terā e piti ’amura’a mā’a. Mea pūai roa ’ōna. Il peut porter ces deux tables. Il est très fort. He can help you. He is a teacher. E nehenehe ’ōna e tauturu ia ’oe. E ha’api’i tamari’i ’ōna. Il peut t’aider. Il est enseignant. I can come with you tomorrow. I am free in the morning. E nehenehe au e ’āpe’e ia ’oe ananahi. E vata vau i te po’ipo’i. Je peux t’accompagner demain. Je suis libre le matin. She can change her car every year. She is very rich. E nehenehe ’ōna e taui i tōna pere’o’o i te mau matahiti ato’a. Mea moni roa ’ōna. Elle peut changer sa voiture tous les ans. Elle est très riche. WILL, lorsqu’il peut être paraphrasé par BE WILLING TO, exprime une valeur de volonté, une décision propre au sujet. WILL dans ce cas est accentué et ne peut être contracté. He will go to France for his studies. He has already made up his mind. E reva ’ōna i Farāni nō tāna (tau) ha’api’ira’a. ’Ua fa’aoti a’ena ’oia e reva. Il partira en France pour ses études. Il l’a déjà décidé. MUST, interprétable comme INSIST ON, correspond également à une valeur d’intention, de volonté. MUST est dans ce cas accentué. I must offer him a present. E hina’aro mau iho ā vau e pūpū i te hō’ē ō nā na. Je dois lui offrir un cadeau. J’y tiens. I must let him know what I think about that. E’ita vau e nehenehe ’eiaha e fa’a’ite iāna i tō’u mana’o. Il faut que je lui dise ce que j’en pense. En ce qui concerne la relation intersubjective, où l’actualisation de la relation prédicative implique une idée de contrainte, de pression exercée sur le sujet de l’énoncé, on retrouve les auxiliaires modaux MAY, MUST et SHALL, voire WILL. Ainsi, MAY, paraphrasable par BE FREE TO, correspond à la valeur de permission. You may use my car today, if you want. I let you use it. E nehenehe ’oe e rave i tō’u pere’o’o i teie mahana, ’ia hina’aro ’oe, tē fa’ari’i atu nei au. Tu peux utiliser ma voiture aujourd’hui, si tu veux. Je t’y autorise. 7 8 9 10 11 12 13 14

28 Remarque : Un autre auxiliaire modal, CAN, peut aussi avoir cette valeur de permission, qui est une valeur que l’on appelle valeur par absorption, où l’auxiliaire CAN prend la valeur de MAY. You can use my car today, if you want. I let you use it. (= You may use my car…) E nehenehe ’oe e rave i tō’u pere’o’o i teie mahana, ’ia hina’aro ’oe, tē fa’ari’i atu nei au. Tu peux utiliser ma voiture aujourd’hui, si tu veux. Je t’y autorise. MUST, qui peut être paraphrasé par BE OBLIGED TO, BE SUPPOSED TO, correspond à une valeur d’obligation, mais une obligation prise en charge par l’énonciateur : c’est lui qui décide qu’il y a obligation. MUST est dans ce cas inaccentué. You must respect your parents. (= I want you to respect your parents.) ’Ia fa’atura ’oe i tō ’oe nā metua e ti’a ai. Tu dois respecter tes parents / Il faut que tu respectes tes parents. (= C’est moi qui l’exige.) Selon les contextes, l’énonciateur ici peut aussi adhérer à l’injonction de la société, s’y associer, la reprendre à son compte : le schéma ∫ é S reste donc pertinent. SHALL implique que l’énonciateur envisage l’actualisation de la relation prédicative comme inéluc table, à l’exclusion de la non actualisation de la relation prédicative. L’énonciateur exclut qu’il en aille autrement. He shall come = je pose que < HE, COME > sera actualisé, à l’exclusion de < HE, NOT COME >. He shall not leave = je pose que < HE, NOT LEAVE > sera actualisé, à l’exclusion de < HE, LEAVE >. Cette valeur intersubjective de SHALL peut également correspondre, selon les contextes, à une valeur d’engagement, de promesse : You shall have your bicycle. (It’s a promise.) E nehenehe ’oe e ti’aturi mai. E ho’o iho ā vau i tō ’oe pere’o’o ta’ata’ahi. Tu l’auras, ton vélo. (Je m’y engage.) Like it or not, he shall come with us tomorrow. ’Aita tā na e parau, e haere mai iho ā ’ōna nā muri ia tātou ananahi. Il viendra avec nous demain, qu’il le veuille ou non. He shall buy that car. ’Ua pāpū maita’i, e ho’o iho ā ’ōna i terā pere’o’o. Il achètera cette voiture. Il l’a dit, il y tient. Remarque : Tout comme l’auxiliaire modal CAN peut dans certains contextes avoir la valeur de MAY (permission) par absorption, il en est de même pour l’auxiliaire modal WILL, qui peut, selon le contexte, prendre par absorption la valeur de SHALL, c’est à dire impliquer une relation intersubjective (valeur d’obligation). Don’t worry, they will do their homework before they watch television. ’Eiaha ’e ha’ape’ape’a, e rave rātou i tā rātou ’ohipa ha’api’ira’a nā mua rātou a mata’ita’i ai i te ’afata teata. Ne vous inquiétez pas ! Ils feront leurs devoirs avant de regarder la télévision. 15 16 17 18 19 20

29 3.2 ‐ Marqueurs de modalité associés à la particule TO BE ABOUT TO, BE GOING TO, BE TO : Outre les auxiliaires modaux certains termes associés à la particule TO peuvent également, en anglais, exprimer la modalité : c’est le cas des expressions BE ABOUT TO, BE GOING TO et BE TO. En ce qui concerne BE ABOUT TO et BE GOING TO, la valeur de ces marqueurs se retrouve en tahitien dans la particule verbale TĒ … RA, qui exprime généralement l’imminence de l’actualisation d’un procès (du verbe) : Let’s hurry! The ship is going to / is about to leave! Ha’avitiviti ana’e, tē reva ra te pahī ! Dépêchons nous, le bateau va / est sur le point de partir ! When I called him, he was about to leave. I tō’u niuniura’a (atu) iāna, tē fa’areva ra ’ōna. Quand je l’ai appelé, il allait / était sur le point de partir. Si BE ABOUT TO permet d’exprimer l’imminence de l’actualisation d’un procès, BE GOING TO implique l’idée que l’énonciateur se porte garant de la validation de la relation prédicative. Il dispose d’assez d’éléments pour dire que la relation prédicative va être actualisée, validée. BE GOING TO peut aussi correspondre à une valeur intrasubjective (exemple 23) ou intersubjective (exemple 24) : I know him better than anyone: he is not going to answer. (= He refuses to.) ’Ua ’ite maita’i au i tōna huru. E’ita ’ōna e pāhono. Je le connais mieux que quiconque : il ne répondra pas. (= Il refuse.) He is going to answer my request! (= He has no choice / He is obliged to.) E pāhono ’ōna i tā’u uira’a ! Il répondra à ma demande ! (= Il n’a pas le choix / Il est obligé de le faire.) BE TO permet également d’exprimer la modalité en ce sens qu’une relation est établie entre les sujets (énonciateur et co énonciateur), qui ont établi entre eux un accord, qui peut être de nature intrasubjective (exemple 25) ou intersubjective (exemple 26) : He is to come with us tomorrow – he has agreed to. E haere ato’a mai ’ōna ananahi, ’ua fa’ari’i ’ōna e haere ato’a mai. Il viendra aussi avec nous demain, on en a parlé / on s’est entendu. He is to come tomorrow – I have forced him to. E haere ato’a mai ’ōna ananahi, ’ua fa’ahepo vau iāna ia haere mai ’ōna. Il viendra aussi demain, je l’y ai obligé. Remarque au sujet de HAVE TO : Ce marqueur associé à la particule TO permet également d’exprimer la modalité dont la valeur est équivalente à celle de l’auxiliaire modal MUST à valeur de contrainte, d’obligation, et paraphrasable par BE OBLIGED TO, BE SUPPOSED TO (exemple 16). 21 22 23 24 25 26

30 Il y a cependant entre MUST et HAVE TO une nuance importante, MUST impliquant une obligation prise en charge par l’énonciateur (c’est lui qui considère que le sujet est soumis à une obligation), alors qu’avec HAVE TO, l’énonciateur ne prend pas en charge l’idée d’obligation. Il ne fait que se poser en intermédiaire, en relais, pour exprimer une idée d’obligation dont il n’est pas à l’origine (exemple 27). You have to obey the law. (That’s the way it is.) ’Ia fa’atura ’oe i te ture e ti’a ai. Tu dois respecter la loi. (C’est ainsi.) 27

TROISIÈME PARTIE ÉNONCÉS COMPLEXES

33 IV ‐ ÉNONCÉS COMPLEXES 1. GÉNÉRALITÉS ’Ua mātau vau i te tāmuta i patu i tō ’outou fare. Je connais l’entrepreneur qui a construit votre maison. I know the carpenter who has built your house. ’Ua pāhono mai ’o Teri’i e haere mai ’ōna i te rurura’a ananahi. Teri’i a répondu qu’il viendra à la réunion demain. Teri’i answered that he will come to the meeting tomorrow. Chacun de ces énoncés est un énoncé complexe car il fait intervenir plus d’une relation prédicative. Dans le premier énoncé, qui contient une relative, on a : ’Ua mātau vau i te hō’ē tāmuta. ’Ua patu te hō’ē tāmuta i tō ’outou fare. Je connais un entrepreneur. Un entrepreneur a construit votre maison. I know a carpenter. A carpenter has built your house. et dans le deuxième énoncé, qui est une complétive, on a : ’Ua pāhono mai ’o Teri’i. E haere mai ’ōna i te rurura’a ananahi. Teri’i a répondu quelque chose. Teri’i viendra à la réunion demain. Teri’i has answered something. He will come to the meeting tomorrow. En anglais comme en tahitien et en français, les énoncés complexes sont de plusieurs types. On distingue : les relatives, les complétives, les questions indirectes, les relatives sans antécédents, les interrogatives indirectes, et les infinitives. 2. RELATIVES ’Ua haere ’oi’oi noa te mau pīahi ’o tei rohirohi e ta’oto. Les étudiants qui étaient fatigués sont allés au lit tôt. The students who were tired went to bed early. Cet énoncé complexe contient une relative : « ’o tei rohirohi »/« qui étaient fatigués »/« who were tired ». La construction de cette relative implique l’existence d’un terme commun aux deux relations prédicatives « pīahi »/« étudiants »/« students ». 1 2 3 1 2

34 Dans la relative, ce terme commun est appelé l’antécédent, dont il faut tenir compte, en anglais, dans le choix du relateur, c’est à dire du terme qui va relier les deux énoncés. Il sera différent selon que l’antécédent est animé sujet (WHO) ou inanimé sujet (WHICH), animé complément (WHOM) ou inanimé complément (WHICH). Ce terme qui va remplacer le terme commun aux deux énoncés est un pronom relatif. Ces pronoms relatifs en anglais (WHO, WHOM, WHICH) peuvent également être remplacés par THAT, voire Ø (absence de pronom relatif), selon le contexte et sous certaines conditions comme, par exemple, la fonction complément de l’antécédent et le type de relatives. En français, le choix du pronom relatif dépend uniquement de la fonction de l’antécédent. Si l’antécédent a une fonction sujet, le pronom relatif est QUI et dans le cas où il a une fonction complément, le pronom relatif est QUE. En tahitien, il n’existe pas de pronom relatif spécifique. La construction d’une relative se fait de différentes manières en fonction du contexte. En tahitien comme en français ou en anglais, les relatives peuvent être de deux types : relative déterminative ou restrictive, relative descriptive ou explicative. 2.1 ‐ Relative déterminative (ou restrictive) et relative descriptive (ou explicative) ’Ua haere ’oi’oi noa te mau pīahi ’o tei rohirohi e ta’oto. Les étudiants qui étaient fatigués sont allés au lit tôt. The students who were tired went to bed early. ’Ua haere ’oi’oi noa te mau pīahi, ’o tei rohirohi, e ta’oto. Les étudiants, qui étaient fatigués, sont allés au lit tôt. The students, who were tired, went to bed early. Ces deux énoncés complexes contiennent une relative dont le terme commun est « pīahi »/ « étudiants »/« students » et c’est sur ce terme commun qu’est fondée la relation établie entre ces deux relations prédicatives. La nature de cette relation n’est cependant pas la même dans les deux cas. a) Le critère graphique L’observation de ces deux exemples laisse apparaître la présence dans le deuxième énoncé de deux virgules qui encadrent la relative « ’o tei rohirohi »/« qui étaient fatigués »/« who were tired ». La présence de cette ponctuation implique une différence d’interprétation au niveau sémantique (du sens), ainsi que le démontre la paraphrase de chacun de ces deux énoncés. b) Le critère sémantique Dans l’énoncé 3, il s’agit bien d’étudiants qui sont allés au lit tôt mais uniquement les étudiants qui étaient fatigués. Une restriction est opérée sur la classe des étudiants. On extrait, autrement dit, une sous classe composée uniquement des étudiants fatigués. 3 4

35 Il s’agit donc ici d’une relative restrictive ou déterminative puisque, en plus de la restriction qu’elle introduit, la relative détermine, précise quels sont les étudiants qui sont allés au lit tôt. Dans l’énoncé 4, par contre, de par la présence des virgules avant et après la relative, l’interprétation de l’énoncé est totalement différente puisqu’il s’agit dans ce cas de la totalité des étudiants. Tous les étudiants sont allés au lit tôt parce qu’ils étaient tous fatigués. Cette relative est une relative descriptive ou explicative. Dans le cas de la relative descriptive (ou explicative), la relative décrit le terme commun « étudiants » en le qualifiant par une propriété (celle d’être fatigués) mais n’introduit aucune valeur restrictive. Cette relative conserve un grand degré d’autonomie si bien que si on la supprime, le sens de la phrase ne serait en rien modifié (« Les étudiants sont allés au lit tôt »), ce qui n’est pas le cas de la relative restrictive, qu’il n’est pas possible de supprimer. c) Le critère phonologique Outre la présence graphique de la ponctuation et la différence d’interprétation au niveau sémantique, un autre critère important permet de distinguer les deux types de relative : le critère phonologique (prosodique)*. En anglais comme en français ou en tahitien, selon le type de relative, l’intonation est en effet différente. La ligne mélodique d’un énoncé déclaratif, contenant une relative déterminative (ou restrictive) est une ligne mélodique régulièrement descendante, depuis la première syllabe accentuée (stu de « students », dans les exemples 3 et 4) jusqu’à la syllabe portant l’accent principal d’énoncé (dernière syllabe accentuée : ear de « early »), où se produit la chute mélodique. 3. The students who were tired went to bed early. — o o — — — o — o ⎞ o Par contre, dans un énoncé déclaratif contenant une relative descriptive (ou explicative), la ligne mélodique régulièrement descendante est rompue au niveau de la relative (« who were tired »), qui se situe à un niveau bas et plat, pour ensuite reprendre la ligne descendante (sur « went ») jusqu’à la syllabe qui porte l’accent principal d’énoncé (dernière syllabe accentuée : ear de « early »), sur laquelle se produit la chute mélodique. 4. The students, who were tired, went to bed early. — o o — — — o — o o — — ⎞ o

36 *Notes à propos des schémas mélodiques : En anglais, un énoncé déclaratif a une ligne mélodique normalement descendante. Elle part de la première syllabe accentuée, située au plus haut niveau, puis descend régulièrement jusqu’à la dernière syllabe accentuée, qui se situe au niveau intermédiaire, où se produit une chute mélodique jusqu’au niveau le plus bas. Les syllabes accentuées sont représentées par un tiret et les syllabes inaccentuées par un point. d) Le mode de construction Enfin, un autre critère qui permet de différencier les deux types de relatives est le mode de construc‐ tion. Dans ces deux énoncés on constate la présence du déterminant TE MAU/LES/THE, déterminant qui résulte d’une opération de détermination appelée fléchage, opération d’identification qui consiste à identifier un élément. (cf. Éléments pour une étude comparative du tahitien, du français et de l’anglais, 2019, « Opérations de détermination », pp. 23 24.) Dans la relative déterminative, l’identification du terme « students » résulte de la restriction apportée à la classe des étudiants. On sait quels sont les étudiants qui sont allés au lit tôt : ce sont ceux qui étaient fatigués, c’est à dire déterminés par la relative. Par contre dans la relative descriptive, la présence du déterminant TE MAU/LES/THE préexiste à cette identification. Les étudiants qui sont allés au lit tôt sont des étudiants que l’on connaît déjà, dont on a pu déjà mentionner la présence dans un contexte précédent : Il y avait à la soirée des enseignants et des étudiants. Les étudiants, qui étaient tous fatigués / parce qu’ils étaient tous fatigués, sont allés au lit tôt. 2.2 ‐ Les particularités de la construction de la relative en langue tahitienne Ainsi qu’il a été mentionné au début de l’étude des relatives, il n’existe pas, en tahitien, de pronoms relatifs spécifiques pour la construction d’une proposition relative. Elle peut se construire de différentes manières. Nous en retiendrons quelques exemples proposés par la Grammaire de la langue tahitienne du Fare Vāna’a (Académie tahitienne) : la juxtaposition la construction avec le possessif la construction avec la particule AI a) La juxtaposition La relative est alors juxtaposée à l’antécédent, qui peut être : 1. un nom : Te ta’ata e ’ōfati i te ture, e fa’autu’ahia ’oia. La personne qui enfreint la loi sera sanctionnée. The person who does not respect the law will be fined. 0

37 2. un pronom : ’Ua horo ’oia e tāpuni, ’ōna ’o te hō’ē ta’ata reihiti. Il s’est enfui pour se cacher, lui qui était une personne téméraire. He ran away to hide, he who was a reckless person. 3. l’article TE, pris comme pronom et associé aux particules verbales E et I : E rave rahi tei tata’u (= te ta’ata i tata’u), mea iti ra tei manuia (= te ta’ata i manuia). Il y a eu beaucoup de concurrents (= de personnes qui ont concouru) mais peu de réussites (= de personnes qui ont réussi). There were a lot of candidates (= people who competed) but few recipients (= people who succeeded). Cette construction avec TE comme antécédent n’est cependant possible que dans certains cas, lorsque l’antécédent a la fonction : de sujet du verbe de la relative : (cf. exemple 1) Te ta’ata e ’ōfati i te ture… Toute personne qui enfreint la loi… The person who does not respect the law… de sujet d’un adjectif pris comme verbe : Te mau manihini ’o tei rohirohi, ’ua ho’i i tō rātou hōtēra. Les invités qui étaient fatigués sont rentrés à leur hôtel. The guests who were tired went back to their hotel. de sujet d’un verbe au passif : ’Ua fa’ari’i pā’ato’a rātou i tei fa’aotihia e te ta’ata fa’atere. Ils ont tous accepté ce qui a été décidé par le directeur. They all complied with what had been decided by the manager. d’agent dans la relative : ’O tei manuia i tā rātou hi’opo’a ra’a, ’ua ha’apōpou maita’i hia rātou. Ceux qui ont été admis à leur examen ont été chaleureusement félicités. Those who have succeeded at their exam have been warmly congratulated. b) La construction avec un possessif Parmi les constructions les plus courantes, l’antécédent peut être : 1. COD (complément d’objet direct) : ’Ua haere anei ’outou i te ’ōro’a i fa’atupuhia e tā tātou tā’atira’a inapō ra ? Êtes vous allés à la soirée que notre association a organisée hier soir ? Did you go to the party that our association organized last night? 0 0 0 0 0 0 0

RkJQdWJsaXNoZXIy NzgwOTcw